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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта - Страница 8


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— Comme j'aimerais me baigner, murmura Catherine en laissant sa main pendre le long du bordage.

— Quelle bonne idee ! maugrea Sara qui, depuis le depart, n'avait pas sonne mot. Les Anglais n'auraient qu'a te cueillir toute ruisselante quand ils arriveront par ici.

— Ils ne viendront pas, affirma Gauthier. A cause des marecages ! C'est dangereux. On peut s'enliser.

Sara dedaigna de repondre au geant, mais Catherine lui sourit. Elle se felicitait de plus en plus du sauvetage qu'elle avait accompli. Gauthier etait de ceux qui ne s'etonnent de rien, qui s'accommodent de tout et agissent en tout avec une grande economie de gestes et de paroles. Tout a l'heure, quand on etait venu le chercher chez le jardinier du couvent, quand on lui avait annonce qu'il fallait partir, il n'avait rien dit. Il avait seulement tendu la main pour saisir la hache qu'un homme d'armes lui apportait, en avait essaye le fil sur son pouce et l'avait glissee sous son epaisse ceinture de cuir.

— Je suis pret, avait-il dit seulement.

Sur l'ordre de Catherine, le jardinier lui avait decouvert des vetements a peu pres convenables pour remplacer ceux, dechires et hors d'usage, qu'il portait en arrivant. Une courte tunique de futaine noire, des chausses brunes collantes, prises dans d'epais souliers de cuir l'habillaient en paysan aise. Ces chaussures avaient ete le plus difficile a trouver. Un savetier les avait fabriquees hativement en partant d'une paire de sandales appartenant au superieur des Freres Precheurs de Saint-Francois dont le couvent etait proche de celui des Bernardines. Encore Gauthier avait-il fait la grimace en les passant et s'etait-il hate de les oter sitot arrive dans la barque.

Une chose avait frappe Catherine. Avant de quitter le couvent, elle avait voulu entrer un instant a la chapelle pour une courte priere. Sara etait entree, bien entendu, avec elle, mais Gauthier s'y etait refuse. Et, comme elle s'etonnait :

— Je ne suis pas chretien ! avait-il dit sechement sans paraitre prendre garde a la mine scandalisee de ceux qui l'entouraient.

— Mais, reprit Catherine, tu nous as dit que, l'autre nuit, tu avais ete enterrer tes amis dans l'enclos de l'eglise ?...

— Bien sur. Ils y avaient droit. Eux croyaient, ils avaient recu le bapteme. Pas moi !

— Je verrai plus tard a te faire instruire, avait alors repondu Catherine sans insister davantage.

Mais, maintenant, tandis que la barque glissait sans bruit sur l'eau calme, elle songeait a tout cela tout en regardant le grand Normand a travers ses cils baisses. Gauthier lui inspirait de curieux sentiments. Elle le trouvait sympathique, mais il lui faisait un peu peur, moins a cause de sa force qu'a cause de son clair et indechiffrable regard. Il semblait ne penser a rien, en ce moment ; pourtant la jeune femme avait la sensation presque physique qu'il ecoutait de toutes ses forces les bruits decroissants de la ville. Les cris, le tohu-bohu des bourgeois et des petites gens claquant leurs volets, courant aux remparts pour colmater hativement quelques breches anciennes, entassant des fagots, des buches, apportant des pierres et de la poix pour la defense de leur cite ou sortant leurs armes de leurs greniers, le chant liturgique des moines de Saint-Francois sortis en procession pour une derniere benediction avant le combat et, dominant le tout, la voix tonnante de La Hire, tout cela s'estompait peu a peu. Le tintamarre de la guerre reculait pour faire place au bruissement de l'eau contre la coque, a la fuite d'un lapin dans les herbes folles, au sifflement d'un merle sur une branche et Catherine se laissait insensiblement gagner par ce calme qui grandissait autour d'elle, par la beaute de ce jour d'un printemps a son declin. La riviere, d'une belle largeur a cet endroit, fuyait entre deux berges couvertes d'un fouillis de ronces, de pommiers sauvages, de merisiers et de petits chenes encore enfantins. Tout cela, sous le soleil, degageait une bonne odeur saine de jeune vegetation et d'humus plein de seve. Si chaque poussee de la perche n'eut accentue la distance qui la separait d'Arnaud, si son ame n'eut ete tellement ravagee d'angoisse et si desesperement attachee a l'homme qu'elle aimait, Catherine eut trouve plaisir et repos dans cette silencieuse glissade sous les verts rameaux a travers lesquels se montraient de grands lambeaux de ciel indigo.

La Hire avait trace, pour Catherine et son escorte, la route a suivre. Elle etait facile, bien que jalonnee de dangers, car le pays que l'on allait traverser etait encore en grande partie anglais. On devait remonter la riviere d'Eure jusqu'a Chartres.

La grande cite de Notre-Dame, la haute cite de foi ou affluaient toujours les pelerins, malgre la guerre, ou a cause d'elle, etait une sure etape avant la traversee des terres ravagees, incendiees, affamees et sans merci qui separaient Chartres d'Orleans-la-Delivree. Ce serait la le plus dur, le plus dangereux. Ensuite, il n'y aurait plus qu'a prendre la grande route liquide de la Loire et laisser filer le grand fleuve jusqu'aux tours de Champtoce. La Loire !... Que de souvenirs d'espoirs et de souffrances son seul nom rappelait a Catherine ! Une fois deja, a grand-peine et grande misere, le large ruban d'eau l'avait menee aupres d'Arnaud et c'etait a lui qu'une fois encore elle allait demander de les reunir. Bien sur, Catherine n'aimait guere l'idee d'etre l'hote de l'inquietant seigneur de Rais. Mais la ou etait la reine Yolande, danger ou felonie se pouvaient-ils craindre, ou seulement concevoir ? Non. Il fallait aller droit son chemin, le faire aussi bref que possible.

C'etait la derniere epreuve, la derniere ! Ensuite rien ne la separerait plus d'Arnaud. Elle serait bientot sa femme... Sa femme ! Le mot seul la faisait defaillir de bonheur...

Cette pensee lui fit chaud au c?ur et lui montra soudain la vie sous d'autres couleurs. Elle sourit aux rives fraiches, a Sara qui la regarda avec etonnement, puis envoya a Gauthier la fin de son sourire.

— Quelle belle journee ! dit-elle presque joyeusement.

Mais le grand Normand ne sourit pas. Sourcils fronces, il regardait quelque chose au loin vers l'amont de la riviere.

Ne louez la journee que lorsqu'elle est finie, marmotta-t-il entre ses dents, l'epee que lorsqu'elle a frappe, la f...

— Pourquoi t'arretes-tu ? fit Catherine. Qu'allais- tu dire : la femme ?

— En effet, Dame. Mais la fin de ce vieil adage danois ne vous plairait sans doute pas. Au surplus, l'heure n'est pas a la discussion.

Catherine se retourna, suivant la direction de sa main tendue, et retint une exclamation. Au meme instant, des cris s'eleverent sur la riviere. Des femmes surgirent des fourres et se mirent a courir de toutes leurs forces. C'etaient des lavandieres que les hautes herbes avaient cachees jusque-la et qui, maintenant, fuyaient devant un ennemi invisible. Leurs robes de toile bleue, relevees dans la ceinture, montraient leurs jambes nues, roses encore au sortir de l'eau fraiche dans laquelle, sur des pierres, elles avaient foule le linge, et deja, dans l'ardeur de la course, les chevelures croulaient sur les epaules, echappees des beguins de toile.

— Mais pourquoi courent-elles ? demanda Catherine.

Personne ne lui repondit. Trois soldats en hoquetons verts venaient d'apparaitre, lances a leur poursuite, au detour d'un chemin forestier. Gauthier, d'un mouvement brusque, fit virer le bateau qui s'enfonca profondement dans la vase et les roseaux de la berge.

— Des Anglais ! souffla-t-il tandis que, deja, sa main pesait sur le dos de Catherine l'obligeant a s'aplatir au fond de la barque. Cachez-vous... Et vous aussi, jeta-t-il hargneusement a Sara qui avait feint de ne pas l'entendre, vous n'etes pas assez vieille pour ne pas risquer...

Il n'en dit pas plus. Sara grogna mais se coucha aupres de Catherine. Cependant, le Normand, au lieu de les rejoindre, enjambait le bordage, se coulait dans l'eau sans le moindre clapotis, aussi souplement qu'une loutre qui plonge. Sara releva la tete, le vit dans l'eau jusqu'a !a taille, la main sur sa hache.

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