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Contes merveilleux, Tome II - Andersen Hans Christian - Страница 28


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Des voyageurs de tous les pays venaient dans la ville de l'empereur et s'emerveillaient devant le chateau et son jardin; mais lorsqu'ils finissaient par entendre le Rossignol, ils disaient tous: «Voila ce qui est le plus beau!» Lorsqu'ils revenaient chez eux, les voyageurs racontaient ce qu'ils avaient vu et les erudits ecrivaient beaucoup de livres a propos de la ville, du chateau et du jardin. Mais ils n'oubliaient pas le rossignol: il recevait les plus belles louanges et ceux qui etaient poetes reservaient leurs plus beaux vers pour ce rossignol qui vivaient dans la foret, tout pres de la mer.

Les livres se repandirent partout dans le monde, et quelques-uns parvinrent un jour a l'empereur. Celui-ci s'assit dans son trone d'or, lu, et lu encore. A chaque instant, il hochait la tete, car il se rejouissait a la lecture des eloges qu'on faisait sur la ville, le chateau et le jardin.»Mais le rossignol est vraiment le plus beau de tout!», y etait-il ecrit.

«Quoi?», s'exclama l'empereur.»Mais je ne connais pas ce rossignol! Y a-t-il un tel oiseau dans mon royaume, et meme dans mon jardin? Je n'en ai jamais entendu parler!»

Il appela donc son chancelier. Celui-ci etait tellement hautain que, lorsque quelqu'un d'un rang moins eleve osait lui parler ou lui poser une question, il ne repondait rien d'autre que: «P!» Ce qui ne voulait rien dire du tout.

«Il semble y avoir ici un oiseau de plus remarquables qui s'appellerait Rossignol!», dit l'empereur.»On dit que c'est ce qu'il y de plus beau dans mon grand royaume; alors pourquoi ne m'a-t-on rien dit a ce sujet?» «Je n'ai jamais entendu parler de lui auparavant», dit le chancelier.»Il ne s'est jamais presente a la cour!»

«Je veux qu'il vienne ici ce soir et qu'il chante pour moi!», dit l'empereur.»Le monde entier sait ce que je possede, alors que moi-meme, je n'en sais rien!»

«Je n'ai jamais entendu parler de lui auparavant», redit le chancelier.»Je vais le chercher, je vais le trouver!»

Mais ou donc le chercher? Le chancelier parcourut tous les escaliers de haut en bas et arpenta les salles et les couloirs, mais aucun de ceux qu'il rencontra n'avait entendu parler du rossignol. Le chancelier retourna aupres de l'empereur et lui dit que ce qui etait ecrit dans le livre devait surement n'etre qu'une fabulation.»Votre Majeste Imperiale ne devrait pas croire tout ce qu'elle lit; il ne s'agit la que de poesie!»

«Mais le livre dans lequel j'ai lu cela, dit l'empereur, m'a ete expedie par le plus grand Empereur du Japon; ainsi ce ne peut pas etre une faussete. Je veux entendre le rossignol; il doit etre ici ce soir! Il a ma plus haute consideration. Et s'il ne vient pas, je ferai pietiner le corps de tous les gens de la cour apres le repas du soir.»

«Tsing-pe!», dit le chancelier, qui s'empressa de parcourir de nouveau tous les escaliers de haut en bas et d'arpenter encore les salles et les couloirs. La moitie des gens de la cour alla avec lui, car l'idee de se faire pietiner le corps ne leur plaisaient guere. Ils s'enquirent du remarquable rossignol qui etait connu du monde entier, mais inconnu a la cour.

Finalement, ils rencontrerent une pauvre fillette aux cuisines. Elle dit: «Mon Dieu, Rossignol? Oui, je le connais. Il chante si bien! Chaque soir, j'ai la permission d'apporter a ma pauvre mere malade quelques restes de table; elle habite en bas, sur la rive. Et lorsque j'en reviens, fatiguee, et que je me repose dans la foret, j'entends Rossignol chanter. Les larmes me montent aux yeux; c'est comme si ma mere m'embrassait!»

«Petite cuisiniere, dit le chancelier, je te procurerai un poste permanent aux cuisines et t'autoriserai a t'occuper des repas de l'empereur, si tu nous conduis aupres de Rossignol; il doit chanter ce soir.»

Alors, ils partirent dans la foret, la ou Rossignol avait l'habitude de chanter; la moitie des gens de la cour suivit. Tandis qu'ils allaient bon train, une vache se mit a meugler.

«Oh!», dit un hobereau.»Maintenant, nous l'avons trouve; il y a la une remarquable vigueur pour un si petit animal! Je l'ai surement deja entendu!»

«Non, dit la petite cuisiniere, ce sont des vaches qui meuglent. Nous sommes encore loin de l'endroit ou il chante.»

Puis, les grenouilles croasserent dans les marais.»Merveilleux!», s'exclama le prevot du chateau.»La, je l'entends; cela ressemble justement a de petites cloches de temples.»

«Non, ce sont des grenouilles!», dit la petite cuisiniere.»Mais je pense que bientot nous allons l'entendre!» A ce moment, Rossignol se mit a chanter.

«C'est lui, dit la petite fille. Ecoutez! Ecoutez! Il est la!» Elle montra un petit oiseau gris qui se tenait en haut dans les branches.

«Est-ce possible?», dit le chancelier.»Je ne l'aurais jamais imagine avec une apparence aussi simple. Il aura surement perdu ses couleurs a force de se faire regarder par tant de gens!»

«Petit Rossignol, cria la petite cuisiniere, notre gracieux Empereur aimerait que tu chantes devant lui!»

«Avec le plus grand plaisir», repondit Rossignol. Il chanta et ce fut un vrai bonheur.»C'est tout a fait comme des clochettes de verre!», dit le chancelier.»Et voyez comme sa petite gorge travaille fort! C'est etonnant que nous ne l'ayons pas apercu avant; il fera grande impression a la cour!» «Dois-je chanter encore pour l'Empereur?», demanda Rossignol, croyant que l'empereur etait aussi present.

«Mon excellent petit Rossignol, dit le chancelier, j'ai le grand plaisir de vous inviter a une fete ce soir au palais, ou vous charmerez sa Gracieuse Majeste Imperiale de votre merveilleux chant!»

«Mon chant s'entend mieux dans la nature!», dit Rossignol, mais il les accompagna volontiers, sachant que c'etait le souhait de l'empereur.

Au chateau, tout fut nettoye; les murs et les planchers, faits de porcelaine, brillaient sous les feux de milliers de lampes d'or. Les fleurs les plus magnifiques, celles qui pouvaient tinter, furent placees dans les couloirs. Et comme il y avait la des courants d'air, toutes les clochettes tintaient en meme temps, de telle sorte qu'on ne pouvait meme plus s'entendre parler.

Au milieu de la grande salle ou l'empereur etait assis, on avait place un perchoir d'or, sur lequel devait se tenir Rossignol. Toute la cour etait la; et la petite fille, qui venait de se faire nommer cuisiniere de la cour, avait obtenu la permission de se tenir derriere la porte. Tous avaient revetu leurs plus beaux atours et regardaient le petit oiseau gris, auquel l'empereur fit un signe.

Le rossignol chanta si magnifiquement, que l'empereur en eut les larmes aux yeux. Les larmes lui coulerent sur les joues et le rossignol chanta encore plus merveilleusement; cela allait droit au coeur. L'empereur fut ebloui et declara que Rossignol devrait porter au coup une pantoufle d'or. Le Rossignol l'en remercia, mais repondit qu'il avait deja ete recompense: «J'ai vu les larmes dans les yeux de l'Empereur et c'est pour moi le plus grand des tresors! Oui! J'ai ete largement recompense!» La-dessus, il recommenca a chanter de sa voix douce et magnifique.

«C'est la plus adorable voix que nous connaissons!», dirent les dames tout autour. Puis, se prenant pour des rossignols, elles se mirent de l'eau dans la bouche de maniere a pouvoir chanter lorsqu'elles parlaient a quelqu'un. Les serviteurs et les femmes de chambres montrerent eux aussi qu'ils etaient joyeux; et cela voulait beaucoup dire, car ils etaient les plus difficiles a rejouir. Oui, vraiment, Rossignol amenait beaucoup de bonheur.

A partir de la, Rossignol dut rester a la cour, dans sa propre cage, avec, comme seule liberte, la permission de sortir et de se promener deux fois le jour et une fois la nuit. On lui assigna douze serviteurs qui le retenaient grace a des rubans de soie attaches a ses pattes. Il n'y avait absolument aucun plaisir a retirer de telles excursions.

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