Contes merveilleux, Tome II - Andersen Hans Christian - Страница 27
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Gerda lui baisa les joues et elles devinrent roses, elle baisa ses yeux et ils brillerent comme les siens, elle baisa ses mains et ses pieds et il redevint sain et fort. La Reine des Neiges pouvait rentrer, la lettre de franchise de Kay etait la ecrite dans les morceaux de glace etincelants: Eternite…
Alors les deux enfants se prirent par la main et sortirent du grand chateau. Ils parlaient de grand-mere et des rosiers sur le toit, les vents s'apaisaient, le soleil se montrait. Ils atteignirent le buisson aux baies rouges, le renne etait la et les attendait. Il avait avec lui une jeune femelle dont le pis etait plein, elle donna aux enfants son lait chaud et les baisa sur la bouche.
Les deux animaux porterent Kay et Gerda d'abord chez la femme finnoise ou ils se rechaufferent dans sa chambre, et qui leur donna des indications pour le voyage de retour, puis chez la femme lapone qui leur avait cousu des vetements neufs et avait prepare son traineau.
Les deux rennes bondissaient a cote d'eux tandis qu'ils glissaient sur le traineau, ils les accompagnerent jusqu'a la frontiere du pays ou se montraient les premieres verdures: la ils firent leurs adieux aux rennes et a la femme lapone.
– Adieu! Adieu! dirent-ils tous.
Les premiers petits oiseaux se mirent a gazouiller, la foret etait pleine de pousses vertes. Et voila que s'avancait vers eux sur un magnifique cheval que Gerda reconnut aussitot (il avait ete attele devant le carrosse d'or), s'avancait vers eux une jeune fille portant un bonnet rouge et tenant des pistolets devant elle, c'etait la petite fille des brigands qui s'ennuyait a la maison et voulait voyager, d'abord vers le nord, ensuite ailleurs si le nord ne lui plaisait pas.
– Tu t'y entends a faire trotter le monde, dit-elle au petit Kay, je me demande si tu vaux la peine qu'on coure au bout du monde pour te chercher.
Gerda lui caressa les joues et demanda des nouvelles du prince et de la princesse.
– Ils sont partis a l'etranger, dit la fille des brigands.
– Et la corneille? demanda Gerda.
– La corneille est morte, repondit-elle. Sa cherie apprivoisee est veuve et porte un bout de laine noire a la patte, elle se plaint lamentablement, quelle betise! Mais raconte-moi ce qui t'est arrive et comment tu l'as retrouve?
Gerda et Kay racontaient tous les deux en meme temps.
– Et patati, et patata, dit la fille des brigands, elle leur serra la main a tous les deux et promit, si elle traversait leur ville, d'aller leur rendre visite… et puis elle partit dans le vaste monde.
Kay et Gerda allaient la main dans la main et tandis qu'ils marchaient, un printemps delicieux plein de fleurs et de verdure les enveloppait. Les cloches sonnaient, ils reconnaissaient les hautes tours, la grande ville ou ils habitaient. Il allerent a la porte de grand-mere, monterent l'escalier, entrerent dans la chambre ou tout etait a la meme place qu'autrefois. La pendule faisait tic-tac, les aiguilles tournaient, mais en passant la porte, ils s'apercurent qu'ils etaient devenus des grandes personnes.
Les rosiers dans la gouttiere etendaient leurs fleurs a travers les fenetres ouvertes. Leurs petites chaises d'enfants etaient la. Kay et Gerda s'assirent chacun sur la sienne en se tenant toujours la main, ils avaient oublie, comme on oublie un reve penible, les splendeurs vides du chateau de la Reine des Neiges. Grand-mere etait assise dans le clair soleil de Dieu et lisait la Bible a voix haute: «Si vous n'etes pas semblables a des enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume de Dieu.»
Kay et Gerda se regarderent dans les yeux et comprirent d'un coup le vieux psaume:
Les roses poussent dans les vallees Ou l'enfant Jesus vient nous parler.
Ils etaient assis la, tous deux, adultes et cependant enfants, enfants par le coeur…
C'etait l'ete, le doux ete beni.
Une rose de la tombe d'Homere
Dans tous les chants d'Orient on parle de l'amour du rossignol pour la rose. Dans les nuits silencieuses, le troubadour aile chante sa serenade a la fleur suave.
Non loin de Smyrne, sous les hauts platanes, la ou le marchand pousse ses chameaux charges de marchandises qui levent fierement leurs longs cous et foulent maladroitement la terre sacree, j'ai vu une haie de rosiers en fleurs. Des pigeons sauvages volaient entre les branches des hauts arbres et leurs ailes scintillaient dans les rayons de soleil comme si elles etaient nacrees.
Une rose de la haie vivante etait la plus belle de toutes, et c'est a elle que le rossignol chanta sa douleur. Mais la rose se tut, pas une seule goutte de rosee en guise de larme de compassion ne glissa sur ses petales, elle se pencha seulement sur quelques grandes pierres.
– Ci-git le plus grand chanteur de ce monde, dit la rose. Au-dessus de sa tombe je veux repandre mon parfum, et sur sa tombe je veux etaler mes petales quand la tempete me les arrachera. Le chanteur de l'Iliade est devenu poussiere de cette terre ou je suis nee. Moi, rose de la tombe d'Homere, suis trop sacree pour fleurir pour n'importe quel pauvre rossignol.
Et le rossignol chanta a en mourir.
Le chamelier arriva avec ses chameaux charges et ses esclaves noirs. Son jeune fils trouva l'oiseau mort et enterra le petit chanteur dans la tombe du grand Homere; et la rose frissonna dans le vent. Le soir, la rose s'epanouit comme jamais et elle reva que c'etait un beau jour ensoleille. Puis un groupe de Francs, en pelerinage a la tombe d'Homere, s'approcha. Il y avait parmi eux un chanteur du nord, du pays du brouillard et des aurores boreales. Il cueillit la rose, l'insera dans son livre et l'emporta ainsi sur un autre continent, dans son pays lointain. La rose fana de chagrin et demeura aplatie dans le livre. Lorsque le chanteur revint chez lui, il ouvrit le livre et dit: Voici une rose de la tombe d'Homere.
Tel fut le reve de la petite rose lorsqu'elle s'eveilla et tressaillit de froid. Des gouttes de rosee tomberent de ses petales et, lorsque le soleil se leva, elle s'epanouit comme jamais auparavant. Les journees torrides etaient la, puisqu'elle etait dans son Asie natale. Soudain, des pas resonnerent, les Francs etrangers qu'elle avait vus dans son reve arrivaient, et parmi eux le poete du nord. Il cueillit la rose, l'embrassa et l'emporta avec lui dans son pays du brouillard et des aurores boreales.
Telle une momie la fleur morte repose desormais dans son Iliade et comme dans un reve elle entend le poete dire lorsqu'il ouvre le livre: Voici une rose de la tombe d'Homere.
En Chine, vous le savez deja, l'empereur est un Chinois, et tous ses sujets sont des Chinois. Cette histoire s'est passee il y a bien des annees, et c'est pourquoi il vaut la peine de l'ecouter, avant qu'elle ne tombe dans l'oublie.
Le chateau de l'empereur etait le chateau plus magnifique du monde. Il etait entierement fait de la plus fine porcelaine, si couteuse, si cassante et fragile au toucher qu'on devait y faire tres attention. Dans le jardin, on pouvait voir les fleurs les plus merveilleuses; et afin que personne ne puisse passer sans les remarquer, on avait attache aux plus belles d'entre-elles des clochettes d'argent qui tintaient delicatement. Vraiment, tout etait magnifique dans le jardin de l'empereur, et ce jardin s'etendait si loin, que meme le jardinier n'en connaissait pas la fin. En marchant toujours plus loin, on arrivait a une merveilleuse foret, ou il y avait de grands arbres et des lacs profonds. Et cette foret s'etendait elle-meme jusqu'a la mer, bleue et profonde. De gros navires pouvaient voguer jusque sous les branches ou vivait un rossignol. Il chantait si divinement que meme le pauvre pecheur, qui avait tant d'autres choses a faire, ne pouvait s'empecher de s'arreter et de l'ecouter lorsqu'il sortait la nuit pour retirer ses filets.»Mon Dieu! Comme c'est beau!», disait-il. Mais comme il devait s'occuper de ses filets, il oubliait l'oiseau. Les nuits suivantes, quand le rossignol se remettait a chanter, le pecheur redisait a chaque fois: «Mon Dieu! Comme c'est beau!»
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