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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 9


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— Cette fois, ca va flotter pour de bon ! Je me rentre ! Le bonsoir, les enfants et bonne chance aussi, a vous trois !...

Avant que les autres eussent trouve le temps de dire un seul mot, il s'etait evanoui dans l'ombre aussi silencieusement qu'un fantome et sans qu'il fut possible de savoir par ou il avait disparu. Catherine s'etait assise sur une borne pour attendre ce qu'on allait decider. Ce fut Michel qui parla le premier :

— Vous avez couru assez de dangers comme cela, tous les deux.

Rentrez chez vous ! Puisque nous voici a la Seine, je vais descendre sur la berge et voler une barque. Je m'en sortirai, j'en suis certain...

Mais Landry lui coupa la parole.

— Non vous n'y arriverez pas. Il est trop tot et puis il faut savoir ou l'on peut voler une barque sans difficulte.

— Il parait que vous savez, vous ? sourit Michel.

Bien sur. Les greves et le fleuve, je les connais bien. Je suis toujours a trainer dessus. Vous ne pourrez meme pas gagner la berge, il y a encore trop de monde dehors.

Comme pour lui donner raison, des clameurs se firent entendre derriere le Chatelet tandis que, sur la berge, au-dela du pont, des groupes porteurs de torches accouraient. Une seconde plus tard, une voix tonnante eclatait, dominant le tumulte si bien qu'elle fut bientot seule a se faire entendre.

— Ecoutez, fit Catherine, c'est Caboche qui harangue le peuple !

S'il vient par ici et nous voit, nous sommes perdus.

Michel de Montsalvy hesitait. Comparativement a la voix menacante dont il ne pouvait comprendre les paroles, a la force dangereuse qu'elle denoncait, le pont obscur, garde seulement par deux hommes, semblait rassurant. Tres peu de lumieres se montraient aux fenetres de ses maisons soit parce que les habitants, meles aux manifestants, etaient absents soit parce que, terrifies, ils etaient deja couches. Landry saisit la main du jeune homme.

— Venez, ne perdons plus de temps ! Il faut risquer ca, c'est votre seule chance. Laissez-moi faire, surtout, je saurai quoi dire aux soldats. Surtout ne dites pas un mot. Vous avez une facon de parler qui sent son seigneur d'une lieue.

Il n'y avait rien d'autre a faire. La foule devait s'amasser derriere le Chatelet. Il arrivait encore du monde, sur les berges. Avec un regard de regret a l'eau noire du fleuve, Michel se rendit. D'un meme mouvement les trois jeunes gens se signerent rapidement. Michel saisit la main de Catherine, tira son capuchon jusqu'au menton et suivit Landry qui s'avancait deja, hardiment, vers les gardiens du pont.

— Je vais prier tres fort Madame la Vierge pendant que Landry parlera, chuchota Catherine. Il faudra bien qu'elle m'ecoute !

Depuis que le danger les environnait de si pres, il s'etait passe quelque chose en elle. Rien ne l'interessait plus que le salut de Michel.

Comme ils atteignaient la chaine du pont, les nuages qui, depuis une heure se contentaient de verser quelques gouttes par-ci, par-la, creverent brusquement en une veritable trombe d'eau. En un instant la poussiere devint boue et les deux gardes coururent se mettre a l'abri sous l'auvent de la premiere maison.

— He la ! vous deux ! cria Landry, on voudrait bien passer !

L'un des deux hommes s'avanca mefiant et furieux d'etre ainsi ramene sous la douche, trainant son arme.

— Qui etes-vous ? Que voulez-vous ?

— Passer sur le pont. On y habite. Moi je suis Landry Pigasse et mon amie est la fille de maitre Legoix, l'orfevre. Depechez-vous, on va etre trempes, sans compter qu'on va surement recevoir une bonne raclee pour rentrer si tard.

— Et celui-la ? Qui c'est ? fit le garde en designant Michel immobile, les mains au fond de ses larges manches, la tete modestement baissee sous le capuchon.

Landry ne se demonta pas. Sa reponse etait toute prete.

— Un mien cousin, Perrinet Pigasse. Il arrive tout juste de Galice ou il est alle prier Monseigneur Saint- Jacques pour son ame pecheresse et je le ramene a la maison.

— Pourquoi ne parle-t-il pas lui-meme ? Il est muet ?

— Presque ! C'est un v?u qu'il a fait en traversant la Navarre ou des bandits ont voulu le mettre a mal. Il a promis de ne pas sonner mot pendant une annee s'il pouvait revoir le pays.

Ce genre de v?u n'avait rien de rare et le soldat n'y trouva pas a redire.

Et puis il en avait assez de parlementer sous la pluie qui tombait de plus en plus fort. Il souleva la lourde chaine.

— C'est bon, passez !

En sentant sous leurs pieds le sol raboteux du pont, Landry, et Catherine auraient volontiers danse de joie malgre la pluie qui leur degoulinait dans le cou. Ils entrainerent Michel au pas de course jusqu'a la maison des Legoix.

Dans la cuisine, qui servait aussi de piece commune et faisait suite a l'atelier d'orfevre de Gaucher Legoix, Loyse s'activait devant l'atre, remuant dans la grosse marmite de fer pendue au-dessus des flammes, un appetissant ragout. Quelques gouttes de sueur perlaient sur le front de la jeune fille pres de la racine des cheveux blonds. Se detournant, elle regarda Catherine comme si l'adolescente revenait d'un autre monde et resta sans voix. Dans sa robe dechiree, couverte de boue et inondee de la tete aux pieds, la jeune fille avait l'air de sortir d'un egout. Mais, voyant que Loyse etait seule, Catherine respira a fond et sourit a sa s?ur le plus naturellement du monde.

— Ou sont les parents ? Tu es toute seule ?

— Veux-tu me dire d'ou tu viens, et dans cet etat ? articula enfin Loyse, revenue de sa surprise. Voila des heures qu'on te cherche !

Desireuse, a la fois, de mesurer l'etendue des reproches qui l'attendaient, de faire le point de la situation et de masquer sous la conversation le leger grincement de la trappe, situee dans l'atelier et que Landry devait ouvrir en ce moment pour faire descendre Michel dans sa cachette, la jeune fille repondit par une autre question, elevant un peu plus la voix.

— Qui me cherche ? Papa ou Maman ?

Non. C'est Marion ! Je l'ai envoyee aux nouvelles. Pere n'est pas encore revenu de la Maison- aux-Piliers, il ne rentrera peut-etre pas de la nuit. Mere est allee chez dame Pigasse qui va mal. Pour qu'elle ne se soucie pas, Marion lui a dit que tu etais chez ton parrain.

Catherine soupira de soulagement en constatant que les choses allaient beaucoup moins mal qu'elle ne l'avait craint. Elle s'approcha du feu, tendit ses mains mouillees. Elle frissonnait dans ses vetements trempes. Loyse se mit a bougonner.

— Deshabille-toi au lieu de rester a grelotter. Regarde comment tu es faite. Ta robe est perdue et tu as l'air d'avoir traine dans tous les ruisseaux de la ville.

— Je suis seulement tombee dans un seul. Mais il pleut tellement !

J'ai voulu voir ce qui se passait, voila tout, alors je me suis promenee...

Sans savoir pourquoi Catherine se mit a rire. Elle ne craignait pas Loyse qui etait bonne et ne dirait rien de son escapade. Et puis c'etait bon de rire, cela soulageait les nerfs trop tendus ! On aurait dit qu'il y avait des annees qu'elle n'avait ri tant cela lui parut tout a coup nouveau et delassant. Tant de choses terribles etaient passees devant ses yeux au cours de cette journee... Elle se detourna et commenca a degrafer sa robe tandis que Loyse, toujours maugreant, ouvrait un coffre place pres de l'atre pour en tirer une chemise propre et une robe de toile verte qu'elle tendit a sa s?ur.

— Tu sais tres bien que je ne dirai rien pour ne pas te faire gronder mais ne recommence pas, Catherine. J'ai eu... tres peur pour toi ! Il se passe aujourd'hui des choses si abominables !

L'angoisse de la jeune fille etait reelle. Catherine eprouva soudain des remords. Loyse, ce soir, etait plus pale que de coutume et de larges cernes entouraient ses yeux bleus. Un petit pli triste marquait le coin de ses levres. Elle avait du se tourmenter tout le jour a cause des menaces de Caboche. Spontanement Catherine lui sauta au cou et l'embrassa.

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