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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 61


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— Gloirrrrrre... au duc !

Puis, dardant son ?il rond sur sa maitresse, il se mit a vociferer avec une nuance de defi :

— Garrrrrrin !... Affrrrrrrreux... Garrrrrin ! Affrrr- reux...

— Misericorde, gemit Catherine. Qui a pu lui apprendre ca ? Si mon epoux l'entend, il lui fera tordre le cou !

Abou-al-Khayr riait de bon c?ur. Il tendit le poing et l'oiseau, docilement, vint s'y percher.

— Confie-le-moi ! Nous sommes si bons amis ! Et, dans ma chambre, personne ne l'entendra. Je lui apprendrai a jurer en arabe !

Le perroquet se laissa emmener, non seulement sans protester, mais encore avec une visible satisfaction. Il avait repris ses roulades de plus belle et Catherine, qui le regardait sortir appuyee a la cheminee, pensa qu'il faisait un couple etrangement bien assorti avec le Cordouan. Le turban d'Abou-al-Khayr et les plumes qui casquaient Gedeon etaient du meme rouge eclatant. Mais, comme ils allaient refermer la porte sur eux, elle demanda encore :

— Pourquoi pensez-vous que je suis pour quelque chose dans les sentiments nourris par votre ami envers le duc Philippe ?

Un sourire moqueur plissa entierement le visage mobile du petit medecin. Le perroquet au poing, il s'inclina legerement et repondit :

— Le sage a dit : « Il faut se garder de croire ce que l'on voit de ses propres yeux », mais il n'a rien dit des oreilles. Certains hommes ont un sommeil bavard, fort instructif pour qui se trouve la. Que la paix d'Allah soit avec toi, rose parmi les roses !

Garin rentra deux jours plus tard, harasse, nerveux et visiblement de tres mauvaise humeur. Catherine n'eut de lui qu'un salut distrait, un baiser qui ne fit qu'effleurer sa tempe, apres quoi il lui annonca, comme une chose sans importance, qu'elle devait se ; preparer a etre presentee sous peu a la duchesse-douairiere.

— Vous serez mise au nombre de ses dames de parage, ce qui achevera votre formation mondaine.

S'il eprouva quelque surprise en trouvant installe chez lui ce medecin maure qui avait tant excite la curiosite des gens de Bourg durant son ambassade, il n'en laissa rien paraitre. Catherine, d'ailleurs, le presenta comme un vieil ami de son oncle et, au contraire, Garin parut eprouver un vif plaisir de la rencontre. Il accueillit Abou-al-Khayr avec une courtoisie et une generosite qui charmerent le petit medecin.

En notre siecle ou les hommes se dechirent comme des betes feroces, ou l'on ne songe qu'a tuer, piller, voler, detruire de toutes manieres, un homme de science penche sur la misere des pauvres corps humains est un envoye de Dieu, lui dit Garin en maniere d'accueil.

Et il lui offrit de demeurer chez lui aussi longtemps qu'il lui plairait, approuvant le choix que Catherine avait fait, pour leur hote, de la chambre aux griffons.

— Cette piece commande le premier etage de l'aile ouest. Il serait facile d'y installer un laboratoire si vous decidez de demeurer ici quelque temps... ou meme definitivement.

A la surprise indignee de Catherine qui le considerait comme lie a Arnaud, Abou-al-Khayr se confondit en remerciements et accepta. Et comme, un peu plus tard, elle lui en faisait le reproche, il repliqua :

— Le sage a dit : « Tu serviras plus utilement ton ami dans la maison de son adversaire, mais tu paieras le pain que tu mangeras afin qu'il ne te soit rien reproche ! » Sur ce, et comme Garin s'etait retire, lui- meme gagna son appartement pour y dire sa priere du soir.

La jeune femme se contenta de cette explication. Au surplus, elle etait heureuse, malgre tout, qu'il demeurat chez elle. Avoir Abou-al-Khayr sous son toit, c'etait l'assurance de parler d'Arnaud avec quelqu'un qui le connaissait bien, qui durant des mois ne l'avait pas quitte. Elle pourrait, grace au medecin maure, apprendre a le connaitre mieux. Il lui dirait sa vie de chaque jour, ce qu'il aimait et ce qu'il n'aimait pas. C'etait un peu du jeune capitaine qui venait d'entrer dans l'hotel de Brazey. Il allait cesser de n'etre qu'un souvenir noye dans l'ombre de la memoire, une image inaccessible et douloureuse. La presence d'Abou lui rendait vie et chaleur. L'espoir, si longtemps refoule, de l'atteindre un jour, renaissait, plus vivace et plus fort.

Dans la soiree, tandis que ses femmes la preparaient pour la nuit, Catherine prit un plaisir neuf a la contemplation de son propre corps.

Sara debout derriere elle, peignait longuement les meches dorees jusqu'a ce qu'elles fussent aussi brillantes que le peigne precieux dont se servait l'ancienne tzigane et, pendant ce temps, trois servantes, apres l'avoir lotionnee d'eau de rose, s'activaient a poser divers parfums sur les differentes parties de son corps. C'etait Sara qui dirigeait l'operation et avait compose le melange utilise par Catherine. Son long sejour chez le marchand venitien qui l'avait achetee jadis en avait fait une experte parfumeuse. Dix ans dans la boutique d'un apothicaire-epicier, cela laisse le temps d'apprendre, mais il n'y avait que peu de temps que Catherine lui avait decouvert ce talent.

Sur les cheveux et les yeux, la servante posait quelques gouttes d'extrait de violette, sur le visage et les seins de l'iris de Florence, de la marjolaine derriere les oreilles, du nard sur les jambes et les pieds, de l'essence de rose sur le ventre et les cuisses, enfin un peu de musc aux plis de l'aine. Le tout applique si legerement que, lorsqu'elle se deplacait, Catherine faisait voltiger autour d'elle une brise embaumee, pleine de fraicheur.

Le grand miroir poli, precieusement encadre d'or et d'emaux de Limoges, renvoyait une image charmante, rose et doree, d'un eclat si triomphant que les yeux de Catherine etincelerent d'orgueil. Sa situation presente, le fait qu'elle etait maintenant une femme tres riche, lui permettait, au moins, de soigner sa beaute, d'augmenter encore si possible la splendeur de son corps pour en faire l'irresistible aimant, le piege impitoyable et delicieux ou se prendrait l'homme aime. Elle voulait Arnaud de toute la force de son c?ur exigeant mais aussi de toute l'ardeur de sa jeunesse epanouie. Et elle savait aussi que pour l'obtenir, pour le ramener entre ses bras, vaincu et passionne comme la nuit de leur rencontre, elle ne reculerait devant rien. Pas meme, si la necessite venait a s'en faire encore sentir, devant un crime !

Perrine, la jeune fille qui faisait office de parfumeuse, son ouvrage termine, se retira de quelques pas, contemplant elle aussi l'adorable forme feminine que le miroir refletait avec la flamme des bougies de cire fine.

— Comment notre maitre ne serait-il pas eperdument amoureux ?

murmura-t-elle pour elle-meme.

Mais Catherine avait entendu. L'evocation de Garin, si eloigne de son esprit pour le moment, la ramena brutalement sur terre et la fit frissonner. Etendant la main, elle saisit avec impatience la robe de chambre posee sur un coffre, une sorte de longue dalmatique aux manches tres larges qui s'ouvrait bas sur la poitrine et dont le tissu d'or, rebrode de fleurs fantastiques aux eclatantes couleurs, avait ete apporte de Constantinople par une caraque genoise. Elle s'en drapa vivement, glissa ses pieds dans de petites pantoufles assorties faites avec les chutes de tissu, et congedia ses servantes.

— Sortez toutes ! Laissez-moi !

Elles obeirent, Sara comme les autres. Mais, avant de refermer la porte la gitane se retourna, cherchant le regard de Catherine, esperant que l'ordre ne la concernait pas. Debout au milieu de la chambre, fixant les flammes de la cheminee, Catherine ne se retourna pas. Alors Sara sortit avec un soupir.

Quand elle fut seule, la jeune femme alla a la fenetre, repoussa les lourds volets de bois peints et dores qui rappelaient la decoration des poutres du plafond. Son regard plongea dans la cour de l'hotel comme au fond d'un puits. Aucune lumiere ne s'y montrait. Chez Garin, tout etait obscur. Elle eut envie d'appeler Sara pour lui demander d'aller voir ce que faisait son mari, mais l'amour-propre la retint. Si elle envoyait chez lui sa servante, Dieu sait ce que Garin imaginerait ?

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