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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 6


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— Suivons-les toujours ! s'enteta Catherine. On verra bien !

— C'est bon, soupira Landry, en prenant la main de son amie.

Allons-y, mais il ne faudra pas m'en vouloir si on echoue.

— Tu veux essayer ? Tu veux vraiment essayer ?

— Oui, grogna le jeune garcon. Mais c'est la derniere fois que je sors avec toi. La prochaine fois tu serais capable de me demander de prendre la Bastille a moi tout seul...

Prenant leurs jambes a leur cou, les deux enfants se precipiterent a la suite du sinistre cortege qui heureusement, gene par son ampleur, n'allait pas tres vite.

Quand Landry et sa compagne deboucherent dans! la rue Saint-Denis, ils etaient hors d'haleine d'avoir tant couru, mais ils eurent la satisfaction de constater qu'ils avaient rattrape l'escorte de Montsalvy. Celle- ci, fort heureusement, avait ete arretee plusieurs fois par des bandes de gens, chantant et vociferant. Certaines de ces bandes montaient vers la Bastille pour se joindre a ceux qui encerclaient la forteresse, et les autres se dirigeaient vers la demeure du duc de Bourgogne : l'hotel d'Artois, rue Mauconseil.

Une fois de plus, quand Catherine et Landry s'y joignirent, le funebre cortege etait a l'arret. Le bourreau Capeluche, pris en cours de route, avait impose cette halte pour recuperer un moine augustin passant par hasard afin que le condamne put faire sa paix avec Dieu avant de mourir. Le moine avait mis quelque repugnance a se laisser convaincre. Seule la crainte l'avait decide et, quand le cortege reprit sa route, il marchait aupres du condamne, disant son chapelet a mi-voix.

— Nous avons une chance, chuchota Landry, c'est qu'ils l'emmenent a pied. S'ils avaient eu l'idee de le trainer sur la claie ou bien de le hisser sur un tombereau, nous n'aurions surement rien pu faire.

— Tu as une idee ?

— Peut-etre. La nuit commence a tomber et si je peux trouver ce dont j'ai besoin, nous avons une chance de reussir. Mais ensuite il faudra songer a le ; cacher...

Une bande de filles folles et d'etudiants qui arrivaient en courant pour suivre, eux aussi, la marche au supplice les rejoignit et Landry se tut par prudence. Precaution inutile : filles et escholiers etaient superbement ivres apres avoir mis a sac un cabaret, ils ne songeaient qu'a chanter a tue-tete en zigzagant d'un mur a l'autre de la rue.

— Le mieux serait, chuchota Catherine, de l'installer chez nous, dans la reserve qui est sous la maison et qui a une petite fenetre sur la riviere. Bien sur, il ne pourrait pas y rester longtemps mais...

Landry se chargea de continuer. L'idee de Catherine avait ete un trait de lumiere pour lui et la suite de l'operation se presentait tout naturellement a son esprit.

— ... Mais cette nuit je volerai une barque et je viendrai m'installer sous ta maison. A l'aide d'une corde le prisonnier descendra dans le bateau et il n'aura plus qu'a remonter le fleuve jusqu'a Corbeil, ou campe le comte Bernard d'Armagnac, apres m'avoir laisse sur une greve. Evidemment, il faudra qu'il passe les chaines tendues entre la Tournelle et l'ile Louviaux mais il n'y a pas de lune en ce moment. Et puis... c'est vraiment tout ce que nous pouvons faire et a la grace de Dieu ! Si deja on peut l'amener jusque-la, ce sera un beau resultat....

Pour toute reponse, la jeune fille serra silencieusement la main de son ami, envahie d'un espoir tout neuf qui la faisait trembler d'excitation. La nuit venait tres vite mais des torches s'allumaient un peu partout, dansant sur les encorbellements des maisons, les enseignes peintes et dorees, les petites vitres enchassees de plomb et les visages rouges des passants. Le tintamarre devenait assourdissant et n'etait guere propice aux derniers moments d'un homme marchant a la mort. Soudain Landry qui venait d'apercevoir ce qu'il cherchait eut un large sourire de satisfaction.

— En voila un, fit-il. J'esperais bien qu'avec tout ce charivari ils seraient encore dehors...

Ce qui motivait tant de contentement n'etait autre qu'un bon gros cochon qui venait d'apparaitre au coin de la rue des Precheurs, poursuivant activement un trognon de chou. C'etait l'un de ceux du couvent Saint-Antoine. Durant toute la journee, ces respectables betes, parcouraient, deux par deux, les rues de Paris sous la garde d'un frere, pour devorer les ordures et les detritus de toute sorte. En fait, ils etaient les seuls agents de la voirie parisienne.

Comme tous ses confreres de l'hospice Saint- Antoine, le nouveau venu portait au cou le Tau d'email bleu, embleme du saint. Pour deguster son trognon de chou, il s'etait arrete aux pieds d'une grande sculpture de bois appliquee contre une maison d'angle et qui representait l'arbre de Jesse. Landry lacha la main de Catherine.

— L'autre cochon ne doit pas etre loin. Continue sans moi, je te retrouverai a la hauteur du couvent des Filles-Dieu. On y arrete toujours les condamnes qui vont a Montfaucon pour leur donner un peu de reconfort. Les nonnes leur offrent un verre de vin, trois morceaux de pain et un crucifix a baiser, celui qui est pres du porche de l'eglise. Il y a toujours un peu de relachement dans la garde a ce moment-la. Je vais essayer d'en profiter. Tiens-toi prete a filer a cet instant precis !...

Tout en parlant, il gardait un ?il sur le cochon. Celui-ci, son repas termine, etait rentre dans la rue des Precheurs ou son compagnon et le frere gardien devaient se trouver. Catherine vit Landry se jeter sur les traces de l'animal et tous deux disparurent bientot dans l'ombre de la rue. Elle se remit alors en marche. Mais cette fois elle sentait sa fatigue, peut- etre parce qu'elle etait momentanement privee de Landry et de sa force rassurante. Ses pieds etaient douloureux, les muscles de ses jambes tiraient, durcis par l'effort. Mais la flamme d'une torche fit soudain briller, au loin, les cheveux blonds de Michel et Catherine sentit brusquement le courage lui revenir. Elle se forca meme a marcher plus vite, se coula dans les derniers rangs de la foule et, forte d'une soudaine determination, s'infiltra peu a peu dans ses profondeurs.

Ce n'etait ni facile ni agreable, car tous ces gens surexcites se bousculaient a qui mieux mieux et defendaient leur place vigoureusement. Mais l'adolescente etait poussee en avant par quelque chose de plus fort que la peur des coups. Elle reussit a prendre la suite immediate des archers d'escorte. A quelques metres, maintenant, entre les corsets de fer de deux hommes d'armes, elle pouvait voir la haute silhouette du prisonnier. Il marchait lentement, calmement, l'echine raidie, la tete droite, si fier dans son allure que Catherine l'admira eperdument. Tout en marchant, elle marmottait a toute vitesse toutes les prieres dont elle pouvait se souvenir, deplorant de n'avoir point l'erudition religieuse de Loyse qui avait des oraisons pour les moindres circonstances et pour tous les saints du Paradis.

On arriva bientot devant le couvent des Filles-Dieu. Prevenues, elles attendaient le condamne. Une dizaine de statues noires et blanches aux yeux baisses, erigees sur les marches de la chapelle autour de la mere abbesse, crosse en main. L'une presentait des morceaux de pain sur un plat d'etain, une autre portait un pichet et un gobelet. Les archers s'arreterent en face d'elles. Le c?ur de Catherine s'arreta aussi. C'etait le moment... mais nulle part elle ne voyait Landry.

Capeluche saisit le bout de la corde qui liait Michel et l'enroula autour de son poing pour conduire le jeune homme vers l'eglise. Alors, juste comme l'escorte s'ouvrait pour leur livrer passage, un tonnerre de hurlements dechira l'air. Surgis en trombe d'une ruelle, poussant des grognements affreux, deux pourceaux foncaient droit sur les soldats et avec une force tellement irresistible qu'ils en envoyerent quatre mordre la poussiere. Les pauvres betes portaient chacune a la queue un paquet d'etoupe enflammee, cause de leur frenesie et de leurs hurlements. Des torches furent .renversees, brulant quelques personnes dans la foule tandis que les animaux, au paroxysme de la douleur, continuaient a culbuter les assistants. La confusion fut telle pendant quelques instants que personne ne vit Landry se glisser dans le sillage des cochons du bon Saint-Antoine, un couteau a la main, trancher la corde que tenait le bourreau et pousser le condamne dans un etroit boyau sombre ouvert contre le mur du couvent. Chacun etait occupe a retrouver ses esprits et a denombrer ses contusions tandis que quelques courageux tentaient de capturer les deux animaux. Seule Catherine aux aguets avait suivi l'action foudroyante qui faisait si grand honneur a l'esprit de decision et au courage de Landry. A son tour, elle se jeta dans le boyau, trebuchant dans l'ombre sur une boue grasse, truffee de pierres et de choses indefinissables.

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