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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 57


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Mais le visage de la bohemienne etait sombre et, tout le temps que dura la toilette, elle ne sonna mot ; Garin s'etait retire pour vaquer a sa propre toilette et les deux femmes auraient pu parler s'il n'y avait eu l'essaim espiegle des jeunes servantes. Aussi, lorsque Catherine fut prete, Sara les congedia-t-elle d'un geste agace puis se tourna vers la jeune femme.

— Alors, demanda-t-elle, tu es heureuse ?

La brutalite de l'attaque surprit Catherine. Sara semblait de fort mauvaise humeur. Ses yeux noirs examinaient le visage de la nouvelle dame de Brazey comme si elle cherchait a y lire quelque chose. Catherine fronca les sourcils.

— Pourquoi ne le serais-je pas ? Ou plutot, pourquoi le serais-je ?

Je ne suis pas mariee pour etre heureuse. On dirait que tu l'ignores !

— Je sais. Je voulais seulement que tu me dises comment s'est passee cette nuit de noces. C'est une chose si importante qu'un premier contact intime, dans la vie d'une femme !...

— Tres bien, fit Catherine laconiquement.

Elle etait, en effet, tres decidee a n'avouer a ame qui vive, pas meme a Sara, son humiliante experience de la veille. Son orgueil se refusait a admettre, meme devant sa vieille confidente, que son epoux, apres avoir contemple la totalite de sa beaute, s'en etait alle coucher dans son propre appartement sans meme lui avoir donne un seul baiser. Mais Sara ne se tenait pas pour battue.

— Si bien que ca ? Tu n'as pas l'air bien fatiguee pour une jeune epousee. Tes yeux ne sont meme pas cernes...

Cette fois, la colere emporta Catherine qui frappa du pied.

— Veux-tu me dire ce que cela peut te faire ? Je suis comme je suis ! Maintenant laisse-moi en paix. Il faut que je descendre rejoindre mon epoux.

L'irritation de la jeune femme arracha a Sara un faible sourire. Sa main brune se posa sur l'epaule de Catherine. Elle l'attira brusquement a elle, posa un baiser rapide sur son front.

— Plut a Dieu que tu dises vrai, mon ange, car j'aurais moins souci de toi. Plut a Dieu que tu aies vraiment trouve un mari. Mais j'en doute.

Refusant, cette fois, de s'expliquer davantage, Sara ouvrit la porte de la chambre apres avoir emmitoufle Catherine dans l'ample manteau de velours brun que lui avait donne jadis le duc Philippe et qu'elle avait soigneusement conserve. Puis elle l'escorta dans le glacial escalier de pierre de la tour. Devant le chateau, Garin attendait sa femme et alla lui offrir la main.. Pres de l'escalier, soufflant dans leurs instruments de toutes leurs joues gonflees, une troupe de jeunes garcons joyeusement vetus de rouge et de bleu, jouaient du hautbois avec ardeur. L'apparition de la jeune femme parut stimuler leur ardeur et ils n'en soufflerent que plus fort. Un pale soleil a peine colore avait reussi a percer les nuages.

Toute la journee, Catherine joua consciencieusement son nouveau role de chatelaine, au son des hautbois de l'Avent. A la tombee du jour, elle se rendit, avec toute sa maisonnee et tous les habitants du village, a la petite eglise de Brazey pour y allumer des brandons a la lampe du ch?ur. Apres quoi, chacun devait revenir allumer son foyer eteint a cette flamme sacree. Debout, a cote de Garin, elle le regarda enflammer, dans la cheminee de la grande salle, la buche rituelle, une enorme tranche de hetre, puis l'aida a distribuer a chaque paysan une piece de tissu, trois pieces d'argent et un gros pain en cadeau de Noel.

A minuit, elle entendit les trois messes traditionnelles dans la chapelle du chateau ou la veille on l'avait mariee, puis rentra pour le repas qui etait servi.

Au bout de cette longue journee, elle se sentait lasse. La chute de la lumiere, en ramenant la nuit, avait reveille du meme coup ses inquietudes. De quoi serait faite cette nouvelle nuit ? Garin se montrerait- il aussi etrange qu'au cours de la precedente ou bien reclamerait-il ses droits d'epoux ? Toute la journee, il avait ete parfaitement normal, voire aimable. Plusieurs fois, il lui avait souri et, en sortant de table, apres le souper de minuit, il lui avait offert deux bracelets de perles en present de Joyeux Noel. Mais son regard quand il se posait sur Catherine, avait parfois une expression si etrange que la jeune femme se sentait glacee jusqu'a l'ame. Elle aurait jure, a ces moments- la, qu'il luttait contre quelque sombre fureur. Mais pourquoi cette fureur ? Contre qui ? Elle se montrait envers lui aussi douce et soumise que pouvait le souhaiter le plus exigeant des epoux.

Le c?ur du Grand Argentier de Bourgogne semblait constituer une bien difficile enigme !

Pourtant, les craintes de Catherine se revelerent sans fondement.

Garin se contenta de la conduire jusqu'a la porte de sa chambre. Il lui souhaita une bonne nuit puis, inclinant legerement sa haute taille, il posa un baiser rapide sur le front de la jeune femme. Mais si rapide et indifferent qu'eut ete ce baiser, les levres qui l'avaient donne etaient brulantes. L'?il inquisiteur de Sara n'avait rien perdu de ces etranges manifestations d'intimite conjugale mais elle s'abstint de tout commentaire.

Le lendemain, le visage sans expression definie, elle apprit a Catherine, au reveil, que son epoux avait du gagner precipitamment Beaune pour le service du duc. Il s'excusait et priait sa femme de vouloir bien rentrer de son cote a Dijon dans la journee, de s'y installer a son hotel de la rue de la Parcheminerie. La, elle attendrait le retour de son mari qui, peut-etre, se ferait attendre car il avait recu l'ordre d'accompagner le chancelier Nicolas Rolin chez le duc de Savoie. Garin enverrait, de Beaune, prendre ses equipages a Dijon et ne rentrerait pas avant son depart. Catherine etait priee de s'accoutumer seule a sa nouvelle demeure.

Soulagee en un certain sens, et heureuse de cette liberte inesperee, la jeune femme obeit ponctuellement. A la fin de la matinee, elle prit place dans une litiere fermee d'epais rideaux de cuir, Sara aupres d'elle, et quitta le petit chateau de Brazey pour regagner la ville ducale. Le froid etait moins vif et le soleil semblait vouloir s'installer pour un moment. Catherine, joyeuse, songea que, des le lendemain, elle pourrait aller embrasser sa mere. Le jour de la saint Vincent, autrement dit le 22 janvier, Catherine se rendit avec Odette de Champdivers au grand repas de cochon que l'oncle Mathieu donnait traditionnellement, chaque annee a la meme date, dans son clos de Marsannay. Dans toute la Bourgogne, de semblables festins avaient lieu pour feter les vignerons dont saint Vincent est le venere patron.

Les deux jeunes femmes avaient quitte, tot le matin, l'hotel de Brazey ou Odette sejournait depuis quelques jours et s'etaient mises en route, alors que la nuit etait encore noire. Une forte escorte de serviteurs entourait la litiere bien close ou elles avaient pris place, joyeuses comme des ecolieres en vacances. Pour se tenir chaud, elles avaient fait deposer des chauffe- doux, des recipients de fer garnis de braise rouge, dans l'interieur du vehicule.

Catherine oubliait presque qu'elle etait mariee car il y avait pres d'un mois que Garin l'avait quittee. Avec une joie d'enfant, elle avait pris possession du magnifique hotel de son epoux ou un fastueux appartement l'attendait. Elle avait passe des jours et des jours a en denombrer les multiples merveilles, un peu etonnee de se decouvrir si riche et si grande dame. Mais elle n'avait pas oublie les siens et, chaque jour, elle s'etait rendue rue du Griffon pour embrasser sa mere et l'oncle Mathieu, non sans faire un crochet par la rue Tatepoire afin de bavarder un moment avec Marie de Champdivers. Chez l'oncle Mathieu, elle etait toujours accueillie chaleureusement et d'autant plus que Loyse avait quitte la maison pour le couvent.

Le mariage de sa s?ur avait produit un curieux effet sur la fille ainee de Jacquette Legoix. La vue du monde, qu'elle supportait encore tant bien que mal jusque-la, lui etait devenue intolerable. Mais, ce qu'elle endurait le plus difficilement c'etait la pensee que Catherine, desormais en puissance de mari, etait passee de l'autre cote de la barricade, dans cet univers des hommes qu'elle haissait. Aussi, un mois environ apres l'entree de sa s?ur chez les Champdivers, Loyse avait-elle annonce son desir d'entrer comme novice chez les Bernardines de Tart, un severe couvent dependant de l'inflexible regle de Citeaux. Nul n'avait ose s'opposer a cette decision que l'on sentait sans appel. Au reste, le bon Mathieu aussi bien que sa s?ur, etaient-ils vaguement soulages. Le caractere de Loyse s'aigrissait de jour en jour, son humeur, toujours sombre, etait penible et Jacquette se desolait en songeant a l'avenir sans joie qui s'ouvrait devant sa fille ainee. Le cloitre, auquel, depuis son plus jeune age, elle aspirait, etait bien le seul endroit ou Loyse put trouver paix et serenite. On l'avait donc laissee se joindre au blanc troupeau des futures epouses du Christ.

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