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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 51


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— Si quelqu'un est coupable dans cette affaire, c'est moi, dit-elle fermement. Je ne peux pas laisser Barnabe mourir ainsi, a ma place somme toute ! Ne peut-on le faire evader... avec de l'or ? Beaucoup d'or?

Elle pensait aux parures que lui avait donnees Garin et qu'elle etait prete a sacrifier de bon c?ur. Le mot avait eu un effet magique sur Jehan dont les yeux s'etaient mis a briller comme des chandelles.

— Ca pourrait se faire ! Seulement je ne crois pas que Jacquot de la Mer marcherait, belle Catherine. On ne t'a pas a la bonne chez lui !

On dit que tu as embobine un brave truand a cause d'histoires ridicules. Pour tout dire, vaudrait mieux ne plus te montrer chez nous.

On ne t'ecouterait meme pas et il pourrait t'arriver malheur. Il n'est pas tendre Jacquot quand il estime qu'on lui doit quelque chose.

— Mais vous, implora Catherine. Vous ne voulez pas m'aider ?

Jehan ne repondit pas tout de suite. Il reflechit un moment, haussa ses epaules inegales :

— Moi si, parce que je suis un imbecile qui n'a jamais su resister a une jolie fille. Mais qu'est-ce qu'on peut faire, tous les deux, toi et moi

?

Sans repondre, la jeune fille baissa la tete pour cacher ses larmes qui montaient. Sara la tira par sa mante, lui designant discretement quelques femmes qui entraient a l'eglise et consideraient avec curiosite le groupe que tous trois formaient. Jehan agita sa sebile et demanda la charite d'un ton pleurard. Les femmes passees, il chuchota

: — Restez pas la... Je vais reflechir et vous ferai savoir s'il me vient une idee. Apres tout il n'est pas encore execute, Barnabe... et l'autre n'est pas mort, cet Argentier de malheur...

L'evocation de Garin avait subitement seche les larmes de Catherine. Une idee lui venait. Une idee folle, peut-etre, ou desesperee, ce qui est bien souvent la meme chose. Elle saisit le bras de Sara.

— Viens ! dit-elle d'un ton si decide que la gitane s'etonna.

— Ou donc, mon c?ur ?

— Chez messire de Brazey. Il faut que je lui parle...

Sans laisser a Sara le temps de protester, Catherine fit demi-tour et quitta Saint-Benigne. Quand elle avait pris une decision, elle s'y tenait et se hatait de la mettre a execution sans peser davantage le pour et le contre. Sur ses talons, Sara s'essoufflait a lui representer qu'une telle visite, de la part d'une jeune fille, n'etait .pas seante, que la dame de Champdivers leur ferait certainement de vifs reproches, que Catherine risquait sa reputation en se rendant chez un homme, fut-il son fiance, mais la jeune fille, le front bute, les yeux a terre, poursuivait son chemin sans l'ecouter.

Laissant a main droite l'eglise Saint-Jean, elle s'engouffra dans l'etroite rue Poulaillerie, toute caquetante de poules, d'oies et de canards. Les maisons basses, pittoresques avec leurs enseignes peinturlurees de couleurs criardes et leurs antiques emblemes hebraiques etaient des vestiges du temps ou cette rue etait celle de la juiverie. Garin de Brazey habitait a l'extremite du Bourg, un grand hotel hautain, defendu de hauts murs, qui faisait l'angle de la rue Portelle ou les orfevres avaient leurs luxueuses boutiques.

Quand elle deboucha dans le Bourg, les chaudieres des tripiers ronflaient. Catherine se boucha le nez pour eviter l'ec?urante odeur de sang et de graisse. Le marche battait son plein et il etait difficile d'avancer entre les etals des bouchers installes jusqu'au milieu de la rue et les installations des paysannes avec leurs paniers de legumes. Il regnait la une atmosphere de foire qui, ordinairement, amusait beaucoup Catherine. Mais ce matin toute cette agitation l'agacait. Elle allait s'engager dans la rue de la Parcheminerie, tournant le dos au Bourg bruyant, quand un homme attira son attention.

Grand et fort, tout vetu de cuir roussi, il avait de longs bras et se tenait un peu voute, ce qui le faisait ressembler a quelque grand singe. Des cheveux gris, coupes carrement, depassaient d'un capuchon de drap rouge. Il avancait lentement, arme d'une longue baguette blanche avec laquelle il designait les denrees qu'il desirait acquerir et que les marchands, craintifs, se hataient de deposer dans le panier d'une servante qui suivait. La vue de cet homme fit frissonner Catherine mais ce fut Sara qui traduisit leur subite angoisse commune.

— Maitre Joseph Blaigny, chuchota-t-elle.

Catherine ne repondit pas, detourna la tete. C'etait, en effet, le bourreau de Dijon qui faisait son marche...

Le visage du blesse faisait une tache pale au fond de la chambre qui parut a Catherine immense et fort sombre. De grands volets de chene peint, a demi tires devant les hautes fenetres a meneaux garnies de vitraux interceptaient presque toute la lumiere du soleil et quand, a la suite d'un valet, elle penetra dans la chambre, elle dut s'arreter un moment pour accoutumer ses yeux a cette penombre.

Une voix lente, lointaine, se fit entendre.

— Quelle faveur extreme, ma chere !... Je n'aurais ose esperer de vous un tel interet...

Il y avait a la fois de l'ironie, de la surprise et un peu de dedain dans cette voix, mais Catherine ne s'attarda pas a analyser ce que pouvait penser le maitre du logis. 11 lui fallait aller jusqu'au bout de l'etrange mission qu'elle s'etait donnee. Elle fit quelque pas. A mesure qu'elle s'avancait, ses yeux distinguaient mieux les choses et le somptueux mais severe decor. Garin etait couche sur un grand lit dans le coin le plus eloigne de la chambre, face aux fenetres. Ce lit etait tout tendu de velours violet, uni, et sans autre ornement que les cordelieres d'argent, maintenant releves les epais rideaux. Au chevet, on pouvait voir les armes du seigneur de Brazey et son enigmatique devise « Jamais » qui se repetait plusieurs

fois en bandeau. « Une devise qui refuse ou qui repousse, mais qui ou quoi ? » pensa Catherine.

Garin la regardait approcher sans mot dire. Il portait un vetement de meme couleur que le lit, qui disparaissait sous les draps et la courtepointe faite d'une immense fourrure noire, mais il etait nu-tete si l'on exceptait un leger pansement au front. C'etait la premiere fois que Catherine le voyait sans chaperon et elle eut l'impression de se trouver en face d'un etranger. Aupres de ce visage pale et des courts cheveux bruns, stries de fils d'argent, le bandeau noir prenait une valeur plus tragique, plus evidente que sous l'ombre du chaperon. Catherine sentait son assurance la fuir a mesure qu'elle avancait sur les glissantes dalles de marbre noir, gagnant l'un apres l'autre les ilots plus stables d'un archipel de tapis aux coloris assourdis. Il n'y avait que peu de meubles dans cette chambre dont les murs de pierre se tendaient eux aussi de velours violet : une credence d'ebene supportant d'exquises statuettes d'ivoire finement travaille, une table, entre deux sieges en X

tires pres d'une fenetre et sur laquelle etincelait un echiquier d'amethyste et d'argent, mais surtout un immense et fastueux fauteuil d'argent massif et de cristal, sureleve, ainsi que le repose-pieds assorti, par deux marches recouvertes de tapis. Un veritable trone...

Ce fut ce siege seigneurial que Garin designa de la main a la jeune fille. Elle monta d'un pas mal assure, mais reprit confiance quand ses mains purent s'accrocher fermement aux bras d'argent. Elle toussota pour s'eclaircir la voix et demanda :

— Avez-vous ete gravement blesse ?

Je commencais a me demander si vous aviez perdu la voix. En verite, Catherine, depuis que vous etes entree dans cette piece, vous avez l'air terrifie de l'accuse qui entre au tribunal. Non, je ne suis pas gravement atteint, je vous remercie. Un coup de dague dans l'epaule et une bosse a la tete. Autant dire rien. Vous voila rassuree ?

La sollicitude qu'elle venait d'affecter ec?ura soudain Catherine. Elle se sentait incapable de feindre plus longtemps. Au surplus, a quoi bon se refugier derriere le paravent commode des paroles mondaines quand la vie d'un homme etait en jeu ?

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