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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 33


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Dans la cheminee, une buche s'ecroula dans une gerbe d'etincelles, roula devant l'atre. Catherine se leva, prit les pincettes et replaca la buche dans le brasier. Puis revint a son banc. Le Noir avait remue un peu, grognant vaguement dans son sommeil, mais Arnaud n'avait pas bouge. Avec un soupir, la jeune fille se laissa aller contre le dossier de son siege. Le vacarme de l'orage s'eloignait. Seule, la pluie crepitait encore sur le toit mais, dans la chambre bien close, il faisait bon et l'on se sentait a l'abri.

Peu a peu, le bruit monotone des gouttes d'eau agit sur Catherine dont la tete s'alourdit. Elle finit par s'endormir, a demi couchee sur le banc. Elle ne vit pas la porte s'ouvrir et le volumineux turban du petit medecin maure apparaitre dans l'embrasure. Les yeux vifs parcoururent la chambre, s'arreterent d'abord sur le blesse mais, constatant qu'il dormait paisiblement, ne s'y attarderent pas. Par contre, une etrange expression se peignit sur le visage cuivre en decouvrant Catherine endormie sur son banc. Le premier mouvement d'Abou-al-Khayr fut d'aller vers elle pour l'eveiller, mais il s'arreta en chemin, haussa les. epaules. Un sourire ironique retroussa ses levres et, aussi doucement qu'il etait entre, il quitta la chambre, refermant sans bruit la porte derriere lui.

Catherine ne sut pas que le petit medecin, rencontrant Mathieu dans la galerie, lui avait formellement deconseille d'entrer chez le blesse, alleguant la legerete de son sommeil febrile. Et le drapier s'en etait alle coucher a l'ecurie sans se douter que sa niece dormait dans la chambre du chevalier.

Vers quatre heures et demie du matin, Catherine ouvrit ses paupieres qui lui parurent pesantes. Le jour commencait a poindre et, dans la basse-cour de l'auberge, un coq enroue essayait de faire croire qu'il chantait le nouveau soleil. Arnaud ne semblait pas avoir bouge d'une ligne et, devant l'atre eteint et froid, le Nubien dormait toujours, ronflant avec obstination. Avec quelque peine, et non sans grimacer de douleur, Catherine se redressa. Son dos et ses reins lui faisaient mal. Sans faire de bruit, elle alla a la fenetre, l'ouvrit pour regarder au-dehors.

La pluie avait cesse, encore qu'elle demeurat a terre sous forme de grandes flaques ou se refletait la lumiere rose du ciel. Les arbres, les feuilles etaient vernis de neuf. Cela sentait l'etable chaude et la terre mouillee, une bonne odeur de campagne que la jeune fille respira avec delices. Elle s'etira comme une chatte avec des mouvements lents et gracieux, bailla puis, posement, defit ses nattes emmelees pour donner de l'air a ses cheveux. A pleines mains elle les gonfla, les fit mousser, heureuse de sentir leur soie vivante sur son dos. Puis, refermant la fenetre, elle revint vers le lit.

Les yeux fermes, le blesse dormait avec application, une moue legere a ses levres dures, un pli creuse a la racine du nez. Il semblait si jeune, ainsi, tellement desarme et attendrissant que Catherine ne resista pas a l'impulsion qui lui vint. Se laissant glisser a genoux aupres du lit, elle appuya sa joue a la main brune, abandonnee, paume en dehors, sur la couverture. Elle etait chaude, cette main, mais la peau, durcie par le maniement quotidien des armes, rapait un peu. Catherine y colla ses levres avec une ferveur qui la surprit. Une boule se gonflait dans sa gorge. Elle avait a la fois envie de pleurer et de rire. Mais, surtout, elle souhaitait inconsciemment que cette minute de douceur durat une eternite. Le monde, autour d'elle, s'etait evanoui. Il n'y avait qu'elle et Arnaud, enfermes dans un cercle magique, aux invisibles murs duquel se brisait la realite. Pour un instant, il etait a elle, a elle seule...

Prisonniere d'un charme tout-puissant, Catherine ne se rendit pas compte que, sous ses levres, la main bougeait, qu'une autre main se glissait dans le flot de ses cheveux repandus sur le lit. Mais, quand les deux mains reunies emprisonnerent son visage et le souleverent, elle comprit que le blesse etait reveille. Tourne sur le cote, a demi souleve sur un coude, il la regardait et, lentement, l'attirait a lui. Elle poussa un petit cri, voulut degager sa tete.

— Messire... laissez-moi. Je...

— Chut ! fit-il seulement. Tais-toi !

Subjuguee par l'autorite du ton, elle se tut, cessa de se defendre.

Elle n'en sentait ni l'envie ni la force. Dans sa poitrine, son c?ur cognait si fort qu'il l'etouffait presque. Elle etait fascinee par la passion de ces yeux noirs, a chaque instant plus proches. Les mains du jeune homme avaient quitte son visage. Il l'enfermait maintenant dans ses bras, l'attirant aupres de lui sur le lit irresistiblement, avidement...

Quand il la coucha contre lui, coincee par les muscles durs de sa poitrine, Catherine frissonna de tout son corps. Une sueur legere mouillait la peau brune du jeune homme. Il sentait le lit chaud, la fievre et une autre odeur qu'elle ne pouvait definir, peut-etre le baume dont sa blessure a la tempe avait ete enduite ? Arnaud respirait fort et son souffle emplissait les oreilles de sa prisonniere consentante. Elle l'entendit jurer entre ses dents parce que sa jambe immobilisee le genait. Mais elle ne chercha pas meme a se defendre.

Inconsciemment, elle avait attendu depuis toujours un moment comme celui-la...

Elle gemit pourtant quand la bouche dure s'abattit sur la sienne, la violentant avec une ardeur d'affame. Des bruits de cloches eclataient dans sa tete, un carillon de joie aussi primitive que la terre elle-meme.

Sans meme s'en rendre compte, elle se tendit sous les mains qui la parcouraient, cherchant a deviner la verite de son corps de jeune fille.

Pour un blesse de la veille, Arnaud de Montsalvy faisait preuve d'une singuliere vigueur. Il ne s'encombrait pas de delicatesses et ses gestes, autoritaires, rapides, etaient ceux d'un soldat pour qui chaque minute compte. Et pourtant, dans cette violence qui lui otait jusqu'a la moindre envie de resister, Catherine trouvait une extraordinaire douceur. Elle s'abandonnait, offerte, deja heureuse. Le baiser s'eternisait, se faisait plus profond, eveillant la folie dans le sang de la jeune fille. Elle ne se rendit pas compte de ce que faisait Arnaud. Il ouvrait sa gorgerette, delacait sa robe. Ce fut seulement quand il quitta ses levres pour enfouir la tete entre ses seins qu'elle se vit a demi nue dans ses bras. Mais la vue meme de sa propre chair, si rose dans la lumiere naissante, plus rose encore au contraste des courts cheveux noirs d'Arnaud depassant le turban, ne lui causa aucune gene.

C'etait comme si, de tout temps, elle avait ete creee pour se donner a cet homme, comme si elle n'avait ete faite que pour lui, pour son plaisir et son bonheur.

Plus doucement maintenant, il continuait a la devetir d'une main, a la caresser de l'autre. Ses doigts semblaient hesiter devant chaque nouvelle decouverte. Puis s'emerveillaient et s'emparaient de leur conquete avec une joie violente. Il murmurait des mots sans suite que Catherine ne comprenait pas. Un instant, il revint vers son visage. Elle vit ses traits, durcis par le desir, le flamboiement des noires prunelles qui cherchaient son regard.

— Comme tu es belle ! haleta-t-il, la voix rauque. Comme tu es douce... et rose, et tendre !

Avec passion, il reprit sa bouche, renversa sous lui le corps souple, ployant en arriere la taille ronde. A nouveau Catherine gemit. Un tout petit gemissement qui etait presque un appel.

Soudain, dans la cour de l'auberge, un cri eclata :

— Catherine ! Catherine ! Ou es-tu ?

— Mon Dieu, mon oncle !

Brusquement degrisee, Catherine se dressa, repoussant le jeune homme. Elle prit alors pleine conscience de sa nudite, de cette porte qui pouvait s'ouvrir, de ce Noir qui remuait et allait s'eveiller. Rouge de honte elle chercha a rajuster ses vetements, a se degager de l'etreinte d'Arnaud qui, un instant surpris, la reprenait contre lui avec une plainte douloureuse.

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