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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта - Страница 15


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Elle s'eveilla en sursaut, vit qu'il faisait nuit maintenant, mais que des centaines de cierges brulaient devant l'autel qu'ils enveloppaient d'une gloire doree. La-haut, dans la tribune, des voix profondes chantaient le Miserere.La foule reprenait en ch?ur. Sara, qui priait aupres de Catherine, tourna les yeux vers elle. Mais son regard franchit la tete de la jeune femme et brilla soudain. Elle se leva.

— Viens, dit-elle. On nous attend...

Sur le parvis, Catherine et Sara retrouverent Gauthier et Anselme l'Argotier qui les attendaient. Le ciel bleu de la journee s'etait charge avec le crepuscule de lourds nuages d'orage. Hors des murs de la cathedrale, la chaleur etait accablante. S'y melait l'odeur lourde des fumees. Un peu partout, on brulait des herbes aromatiques et meme des parfums en meme temps que les cadavres. Toute la ville sentait l'encens et la mort, mais un silence de tombeau l'enveloppait comme un suaire, si profond que Catherine, impressionnee, n'osa parler. Elle souffla :

— Ou allons-nous ?

— Au quartier des tanneries, repondit Gauthier de la meme facon. Notre seule chance est de franchir la grille qui ferme la riviere. Anselme, et moi, nous sommes assures qu'elle n'est pas gardee.

La petite troupe quitta l'ombre blanche de la cathedrale pour s'enfoncer dans le dedale des vieilles rues. Parfois, en passant devant une porte, on surprenait au vol des bribes de priere ou bien l'echo d'un sanglot.

Bientot, on fut en bas de la colline, pres de la riviere le long de laquelle s'alignaient les tanneries et les fou- leries.

Anselme, qui marchait en tete, l'oreille au guet, s'arreta aupres d'un petit pont en dos d'ane et designa, un peu plus loin, la porte etroite creusee dans la muraille de la ville, et, bien entendu, soigneusement fermee.

— La poterne Tire-Veau ! chuchota-t-il. La grille est en dessous !

En effet, sous la poterne, un bras de la riviere traversait une grille epaisse pour gagner le fosse.

— Il faut descendre dans l'eau, dit Gauthier. Je vais desceller un barreau pour que nous puissions passer.

Heureusement, la poterne n'est pas gardee. La muraille est trop haute a cet endroit.

Anselme sortit quelque chose de long de ses vetements et le lui tendit.

— Voila la lime. Maintenant, bonne chance et que Dieu vous protege !

— Vous ne venez pas avec nous ? s'etonna Catherine.

Elle devina plus qu'elle ne vit le sourire et la pirouette de l'etrange bonhomme.

— Non, belle dame, encore que j'en aie eu envie. Mais j'ai mes habitudes ici.

— Mais... La peste ?

— Bah ! La peste passera ! Et j'espere bien etre au nombre des survivants.

Un salut profond et deja il s'eloignait, remontant la ruelle a grands pas silencieux. Gauthier etait descendu dans l'eau et Catherine pouvait entendre le bruit leger de la lime attaquant le barreau. Heureusement, une petite chute d'eau, tout aupres, en couvrait la majeure partie, mais elle ne put s'empecher de frissonner. Ces barreaux semblaient enormes et Gauthier, accroche a la grille a cause de la profondeur d'eau, travaillait dans des conditions difficiles. Mais il y mettait une sorte de rage froide.

Catherine n'avait rien dit a Sara de son aventure de l'apres-midi. Elle en eprouvait une gene, comme d'une action honteuse, et puis, pour rien au monde, elle n'aurait voulu lui raconter ce qui s'etait passe entre elle et le Normand. Sara aurait pousse les hauts cris, jure qu'elle s'y attendait et que Catherine avait eu une fiere chance d'etre respectee par lui.

Pourtant, de cette experience, la jeune femme sortait reconfortee, rassuree meme. Elle avait acquis la certitude que Gauthier l'aimait. Mais elle avait egalement mesure l'etendue de son pouvoir sur lui et la scene de tout a l'heure demeurait entre eux comme un secret commun. Jamais elle n'en parlerait a quiconque ! Peut-etre, parce qu'un instant elle avait eprouve la fugitive tentation de s'abandonner a cette passion qu'elle devinait.

Au bout d'une heure, Gauthier, haletant et trempe, remonta sur la berge. Un barreau, coupe et tordu, laissait un passage suffisant. Son regard fit le tour du petit quai, toujours aussi desert, revint aux deux femmes.

— Vous savez nager ?

Toutes deux hocherent affirmativement la tete, encore qu'il y eut bien des annees qu'elles ne se fussent livrees a cet exercice. Il faisait par ailleurs trop chaud pour que l'idee d'un bain fut desagreable. Prenant une brusque decision, Catherine ota sa robe.

— Que fais-tu ? chuchota Sara scandalisee. Tu ne penses pas...

— Me deshabiller ? Si. Je vais faire un paquet de mes vetements et les porter sur ma tete. C'est la seule facon de ne pas les mouiller.

— Mais... Cet homme ? ajouta la gitane avec un regard inquiet en direction de Gauthier qui etait deja redescendu dans l'eau.

Catherine haussa les epaules.

— Il a mieux a faire qu'a me regarder ! repliqua-t-elle. Tu devrais bien en faire autant.

— Moi ? Plutot mourir...

Et Sara, dignement, se laissa glisser a l'eau tout habillee. L'instant suivant, Catherine s'y coulait a son tour. Son corps n'avait brille que le temps d'un eclair sur la berge et elle avait fait de ses vetements un gros paquet retenu sur sa tete grace aux lacets de la robe. La fraicheur de l'eau lui parut delicieuse. Elle s'y etendit avec bonheur et se laissa porter vers la grille ou attendait Gauthier. La forme mince de la jeune femme s'insinua sans peine dans la breche ouverte. Dans l'eau, elle faisait une grande tache claire, confuse mais pleine de grace que l'onde un peu trouble habillait a peine. C'etait peut-

etre pour eviter de subir son charme que Gauthier, quand Catherine passa pres de lui, avait ferme les yeux. Il ne les rouvrit que lorsqu'un leger bruit de roseaux froisses lui apprit que la jeune femme avait trouve un abri contre les regards indiscrets.

Une semaine plus tard, peu avant le coucher du soleil, Catherine, Sara et Gauthier Malencontre arrivaient en vue du chateau de Champtoce et s'arretaient un moment pour contempler le spectacle. C'est qu'aussi la plus puissante forteresse de l'Anjou valait la peine d'etre regardee. Onze tours formidables sur lesquelles flottait une longue banniere doree timbree d'une croix noire et de fleurs de lys, des courtines de granit refletees par les eaux verdatres d'un etang calme, puis, jusqu'a l'horizon, le moutonnement vert sombre d'une foret. Un peu en retrait, tasse au pied de la motte seigneuriale, l'habituel rassemblement de toits bleus ou roux du village. Mais Catherine trouva qu'il y avait, dans le ramassis peureux du petit bourg, moins de confiance que de crainte. C'etait autour du mince clocher de son eglise que se serrait Champtoce, comme pour se garer de l'ombre ecrasante du fort chateau. De ces tours, muettes et noires, erigees sur le bleu fonce du ciel, Catherine sentait suinter la tristesse, ainsi qu'une imprecise menace. Une brusque envie de fuir s'empara d'elle et sans doute Sara, avec ses sens aiguises de fille des grands chemins, ressentit-elle la meme impression desagreable.

— Allons-nous-en ! souffla-t-elle comme si meme le son de sa propre voix l'effrayait.

— Non, dit Catherine doucement mais fermement. C'est ici que je dois retrouver Arnaud, c'est ici que je dois aller.

— Tu vois bien que la reine Yolande n'est pas la. Son etendard serait sur le chateau et je n'y vois pas la moindre banniere royale, insista Sara.

— Pourtant, intervint Gauthier, j'y vois des fleurs de lys.

Mais Catherine, qui fixait le chateau d'un air preoccupe, hocha la tete.

— Quand il l'a nomme marechal de France, le roi Charles a accorde permission a messire de Rais de porter a ses armes une bordure fleurdelysee. Les autres bannieres doivent etre celles du sire de Craon, son grand-pere. De toute facon, que la Reine soit ou non a Champtoce, il nous faut y entrer.

Et, resolument, la jeune femme poussa sa mule en direction de la grosse barbacane qui defendait le grand pont de la forteresse. Les autres durent suivre, bon gre, mal gre. Ces mules etaient, comme une bonne partie des bagages qui chargeaient la mule de bat, un don de maitre Jacques Boucher, le riche bourgeois d'Orleans chez qui Jehanne d'Arc avait pris logis et ou Catherine avait ete recueillie. Lui et les siens avaient voue a la jeune femme une vraie et franche amitie.

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