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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта - Страница 12


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Sara, elle, portait un autre paquet, plus petit, qui contenait un peu de linge. L'or que l'on possedait etait dans une poche cousue a l'envers de la chemise de Catherine. De sa main libre, le geant saisit le bras de Catherine pour l'aider a marcher.

— Venez ! Et ne pleurez plus, dame Catherine. Je trouverai bien un trou dans ces murailles pour vous faire quitter la ville. Pour l'instant, il faut manger, car vous ne tiendrez pas longtemps sans nourriture, vous reposer quelque part et puis attendre la nuit. Pendant ce temps, je ferai le tour des remparts.

La jeune femme se laissa emmener sans resistance. On remonta la rue en pente ou la fumee acre se faisait de plus en plus dense et, bientot, on retrouva le medecin masque qui poursuivait sa funebre besogne. En les voyant approcher, celui-ci eut un geste de protestation.

— Allez-vous-en ! Que faites-vous dans la rue ? Rentrez !

— Ou ? fit Gauthier. Nous ne sommes pas d'ici. Nous venions juste d'entrer dans la ville pour trouver de quoi.

Manger, et, maintenant, les portes sont fermees, personne ne peut plus sortir.

De sous le masque aux gros yeux de verre, la voix du moine-medecin leur parvint, assourdie mais irritee :

— Vous ne pouvez rester la. Je vais vous indiquer un refuge... Ici, nous sommes a la limite du cloitre Notre-Dame.

Cette porte mene aux maisons des chanoines, fit-il, designant l'ogive de pierre qui enjambait la ruelle. Au-dela, a main droite, vous verrez une longue maison avec des pilastres de pierre sous un haut toit d'ardoises. C'est le Loens.

— La Grange-aux-Dimes, coupa Gauthier.

— Tu es normand, l'ami. Ce mot-la est venu de la mer avec les bateaux-serpents.

— Je suis normand, affirma l'autre avec orgueil. Je parle encore le vieux langage.

— C'est bien. Allez au Loens !... Les pauvres de la ville, qui n'ont plus le loisir d'aller chercher leur pitance dans la campagne interdite ou dans les riches maisons barricadees sur leur terreur, s'y reunissent et les moines de Saint-Pierre leur portent a manger. Peu de chose, helas, car les reserves sont epuisees et la Grange est vide. Mais dites au frere Jerome qui dirige la distribution que frere Thomas vous envoie. Quand vous aurez mange, allez vous joindre a ceux qui, dans la cathedrale, prient nuit et jour Notre Sauveur de detourner de nous le terrible fleau.

Silencieusement, les trois compagnons suivirent le chemin qu'on leur avait indique. Catherine se sentait la tete vide, le corps mou, la volonte absente. Cette ville lui faisait l'effet d'un enorme piege etroitement referme sur elle. Appuyee au bras de Sara, elle avancait en trainant les pieds, incroyablement lasse tout a coup.

Quand vous aurez mange, ca ira mieux ! grommela Gauthier. J'ai remarque que, dans les grandes contrarietes, il faut manger. Ca remonte !

Ils trouverent sans peine la Grange-aux-Dimes. Elle etait pleine de monde. Une humanite miserable et grise s'y pressait autour de la robe blanche d'un grand moine maigre qui distribuait du pain. La lumiere incertaine d'une torche jouait sur son crane tonsure, sur les meplats parchemines de son visage austere. Gauthier se fraya un chemin jusqu'a lui, laissant les deux femmes pres de la porte.

— Frere Thomas nous envoie, dit-il. Nous sommes trois, nous passions et la ville s'est refermee sur nous. Et nous avons faim !

Dans une corbeille, le moine prit trois morceaux de pain noir, les tendit au Normand.

— Mangez ! dit-il.

Puis, soulevant une lourde cruche d'eau, il en emplit un pichet qu'il offrit : « Buvez ! » Ensuite, il se detourna vers d'autres qui imploraient. Les trois refugies s'assirent pour manger, a meme le sol de terre battue. Catherine devora son pain a belles dents, but une grande rasade d'eau claire et se sentit mieux. Il n'y avait plus ce creux ni ces tiraillements dans son estomac. Les forces revenaient, animant chaque fibre de son corps sain et vigoureux. Sara, assise pres d'elle, somnolait deja. Elle avait mange trop vite, en affamee, et, envahie d'une torpeur, laissait dodeliner sa tete. Quant a Gauthier, installe un peu plus loin aupres d'un maigre personnage dont la silhouette se drapait d'oripeaux d'un rouge passe, il mangeait methodiquement, lentement, en homme pour lequel chaque bouchee compte. De temps en temps, il echangeait quelques mots avec son voisin.

— De sa place, Catherine pouvait entendre chacune de leurs paroles. Le gigantesque Normand semblait fasciner l'homme en rouge qui le regardait avec une admiration non deguisee. Au debut, Gauthier n'avait repondu a ses questions que mollement, mais, tout a coup, l'homme avait dit : Je ne t'ai jamais vu dans la ville. D'ou viens- tu ? Moi, je suis de Chazay, un village pres d'ici.

Gauthier, alors, avait paru secouer sa nonchalance. Il avait regarde son compagnon avec un interet subit.

— De Chazay ? Pres de Saint-Aubin-des-Bois ?

— Tu connais ?

— Moi, non ! Mais, la-bas, en Normandie, j'ai connu une fillette. Elle venait de ton pays. Les Anglais l'avaient prise au moment du sac du village parce qu'elle etait jolie. Depuis, elle les suivait avec les autres ribaudes, mais elle avait peur, tellement peur qu'elle avait fini par devenir un peu folle. Elle voulait retourner chez elle, c'etait une idee fixe... Une nuit, elle a tente de s'echapper. Elle voulait fuir dans les bois, mais un archer a tire sur elle. Je l'ai trouvee a l'aube, au pied d'un gros chene, une fleche dans l'epaule. Bien sur, je l'ai emportee dans ma cabane et j'ai essaye de la soigner, mais c'etait trop tard. Elle est morte dans mes bras, la nuit suivante. Elle s'appelait Colombe... Pauvrette ! Durant tout ce jour d'agonie, tant qu'il est demeure au ciel un rayon de lumiere, elle m'a parle de Chazay... « Quelques maisons sous un grand ciel vide, disait-elle, et rien autour, rien qu'une grande plaine qui n'en finit pas. »

— Il n'y a plus, a cette heure, que la plaine et le ciel vide, murmura l'homme rouge avec amertume ; et aussi quelques murs noircis. Les Anglais ont brule ce minuscule village qui osait demeurer fidele au roi Charles et qui disait que Jehanne la Pucelle etait sainte. Mes parents sont morts dans l'incendie, mais je sais que le village renaitra et qu'un jour j'y retournerai.

Catherine avait ecoute avec une attention croissante. Depuis leur depart de Louviers, elle s'etait pose une foule de questions sur la vie passee de Gauthier. Le mince episode qu'il venait de conter levait un petit coin du voile dont s'enveloppait son etrange personnalite et renforcait la sympathie instinctive qu'il lui inspirait. Elle devinait en lui une noblesse naturelle, une vraie generosite. Il en avait donne la preuve en volant au secours des lavandieres et, maintenant, elle l'imaginait assez bien soignant de son mieux la fillette moribonde, adoucissant ses derniers instants. Sara pouvait dire ce qu'elle voulait ; l'homme etait bizarre, bien sur. Cela ne l'empechait pas, cependant, d'etre attachant.

Mais la chaleur du jour se faisait sentir lourdement maintenant que le soleil approchait du zenith. Malgre l'epaisseur des voutes, il faisait etouffant sous les vieilles arches du Loens. Tous ces corps en mouvement soulevaient une poussiere, doree dans les rais du soleil, mais qui montait a la gorge. Ils degageaient aussi une insupportable odeur de crasse, de sueur et d'immondices, mais la peur les tenait plus fort encore que le degout et l'etouffement. Sans doute pensaient- ils que hors de cet asile ou evoluaient les hommes de Dieu la mort les guettait, embusquee dans chacune des ruelles incendiees de soleil.

Catherine, si elle craignait aussi la peste, trouva bientot intolerable cette senteur d'humanite surchauffee. Elle etouffait et, comme les moines, la distribution terminee, se retiraient, qu'un peu partout des ronflements se faisaient entendre, elle se leva. Le regard attentif de Gauthier la rattrapa comme elle allait franchir le seuil. Elle lui sourit.

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