Выбери любимый жанр

Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 5


Изменить размер шрифта:

5

Quand une langue boisee, coulant jusqu'a la vallee, eut avale la petite troupe et qu'il ne resta plus, dans la neige, qu'une double trace profonde, Catherine se retourna. Sara, les mains nouees sur la poitrine et les yeux pleins de larmes, fixait l'endroit ou avait disparu la troupe.

Catherine vit que ses levres tremblaient. Alors, elle chercha le regard de Gauthier, mais il ne s'occupait pas d'elle. Tourne vers l'occident il semblait ecouter quelque chose. L'expression de son lourd visage etait si tendue que Catherine, connaissant son flair de chien de chasse, s'inquieta tout de suite.

— Que se passe-t-il ? Est-ce que tu entends quelque chose ?

Il fit signe que oui, puis, sans repondre, courut vers l'escalier.

Catherine le suivit, mais elle fut rapidement distancee par les longues jambes du Normand. Elle le vit traverser la cour a toute vitesse, s'engouffrer sous l'auvent ou travaillait le marechal-ferrant et en ressortir l'instant suivant avec Kennedy. En meme temps, le cri d'un guetteur eclatait au sommet du donjon.

— Troupe armee en vue !

Du coup, elle remonta les quelques marches deja descendues et, relevant ses robes, Sara sur les talons, se mit a courir le long du chemin de ronde vers la tour Noire. L'annonce de cette troupe l'emplissait de terreur pour son fils, bien qu'elle semblat venir du cote oppose au chemin suivi par l'escorte. Elle parvint dans les hourds de la tour juste comme Gauthier et le gouverneur, rouges et essouffles d'avoir grimpe quatre a quatre, debouchaient de l'escalier. D'un meme mouvement, ils se precipiterent aux creneaux. En effet, sur le chemin d'Aurillac, une troupe nombreuse venait de faire son apparition. Cela faisait sur la neige une longue trainee grise comme une coulee de boue luisante qui avancait, avancait... Peu de bannieres, aux couleurs d'ailleurs indistinctes a cette distance, mais, en tete, une longue chose rouge claquait au vent. Catherine plissa les paupieres pour essayer de distinguer les armes brodees dessus et dut y renoncer. Mais le regard d'epervier de Gauthier les avait deja dechiffrees.

— Ecu ecartele, fit-il brievement, des croissants et des burelles !

j'ai deja vu ca quelque part...

Catherine s'accorda un mince sourire.

— Tu deviens savant, fit-elle. Bientot tu egaleras les rois d'armes eux-memes.

Mais Kennedy ne souriait pas. Son visage couleur brique aux traits accuses avait une lippe de mauvais augure. Il se detourna, hurla quelque chose dans son rude dialecte, puis ajouta :

— Baissez la herse, relevez le pont ! les archers aux murailles !

Instantanement, la forteresse grouilla d'activite. Trainant arcs et hallebardes, les hommes escaladaient les murailles tandis que d'autres man?uvraient le pont et la herse. Des cris gutturaux, des appels, des cliquetis d'armes, des galopades dans tous les sens. Le chateau, endormi sous la neige l'instant precedent, se reveillait avec violence.

Deja, sur les chemins de ronde, on empilait les buches, on trainait des marmites pour l'huile bouillante. Catherine s'approcha de Kennedy.

— Vous mettez le chateau en defense ? Pourquoi ? demanda-t-elle.

Qui donc s'approche de nous ?

Villa-Andrado, le chien de Castille ! fit-il brievement. - Et pour bien montrer l'estime dans laquelle il tenait le nouveau venu, l'Ecossais cracha superbement puis ajouta - : La nuit passee, les guetteurs ont apercu des lueurs d'incendie du cote d'Aurillac. Je n'y avais pas prete autrement attention, mais il faut croire que j'avais, tort. C'etait lui !

Catherine se detourna et alla s'appuyer a l'un des enormes merlons.

Elle arrangea son voile noir que le vent faisait voler pour mieux cacher la rougeur subite qui lui etait montee au visage puis fourra dans ses larges manches ses mains transies. Le nom de l'Espagnol reveillait tant de souvenirs !

En effet, Gauthier comme elle-meme avaient deja vu la banniere rouge et or. C'etait un an plus tot sur les remparts de Ventadour dont Villa-Andrado avait, chasse les vicomtes. Et Arnaud s'etait battu contre les hommes du Castillan. Vivement, la jeune femme ferma les yeux, tentant vainement de retenir une larme brulante. Elle revoyait la grotte, au fond de l'etroite vallee qui servait de fosses a Ventadour, precaire refuge de bergers ou cependant elle avait mis son fils au monde. Elle revoyait le rougeoiement du feu et la haute silhouette noire d'Arnaud, dressee en rempart entre sa faiblesse et la ferocite des routiers. Mais elle revoyait aussi le visage anguleux de Villa-Andrado agenouille devant elle, une flamme de convoitise au fond des yeux. Il lui avait dit un poeme dont elle avait oublie les paroles et aussi, ennemi courtois, il avait envoye des victuailles pour restaurer les forces de la mere et de l'enfant. Au fond, elle eut garde de lui un souvenir reconnaissant n'eut ete: l'affreuse surprise qu'elle et les siens avaient trouvee au terme du voyage : Montsalvy rase, brule jusqu'aux fondations par ce Valette, lieutenant de Villa-Andrado, agissant sur son ordre. Bernard d'Armagnac avait pendu Valette, mais le crime de son maitre s'en trouvait-il diminue ? Et maintenant il approchait de Carlat, vivante image de la malediction qui poursuivait les Montsalvy.

Quand elle rouvrit les yeux, elle vit que Frere Etienne se tenait aupres d'elle. Les mains au fond de ses manches, le petit moine considerait attentivement la colonne en marche. Attentivement mais sans inquietude visible Meme Catherine crut voir un leger sourire flotter sur ses levres.

— Ces gens qui approchent vous amusent ? dit-elle assez sechement.

— M'amuser est beaucoup dire. Ils m'interessent... et ils m'etonnent. Curieux homme, ce Castillan ! Il semble avoir recu du ciel le don precieux d'ubiquite. J'aurais jure qu'il etait a Albi ou les habitants n'avaient guere a se louer de sa presence. D'autre part, quelqu'un, a Angers, m'a affirme que ce chacal puant...

— Le terme est-il bien adapte a votre pensee, Frere Etienne ? fit Catherine en appuyant volontairement sur le mot Frere.

Le petit moine rougit comme une jeune fille, mais offrit a la jeune femme un sourire epanoui.

— Vous avez mille fois raison. Je voulais dire que messire de Villa-Andrado passait l'hiver en Castille, a la cour du roi jean. Il est bien evident qu'a Angers on ne saurait se montrer indulgent pour ce personnage... et j'aimerais que vous entendiez la reine Yolande lorsqu'elle parle de lui. Toujours est-il que le voici. Que vient-il faire ?

— Je crois que nous allons le savoir.

En effet, la bande armee etait arrivee a l'aplomb de la tour et l'homme qui portait la banniere s'avancait maintenant, dirigeant son cheval d'une seule main jusqu'au pied de la muraille rocheuse sur laquelle s'erigeait le chateau. Un autre homme venait derriere portant le costume assez fantastique des herauts, mais un costume dont les rouges, les ors et les plumes se ressentaient des mauvais chemins et de l'hiver. Tout le reste de la troupe avait fait halte.

Parvenus pres des palissades qui encerclaient le roc cyclopeen, les deux hommes s'arreterent et, d'un meme mouvement, leverent la tete.

Qui commande ici ? demanda le heraut.

Kennedy se pencha, posant un large pied chausse de cuir epais sur le creneau, et vocifera :

Moi, Hugh Allan Kennedy, de Gleneagle, capitaine du roi Charles VII, et je tiens ce chateau pour Monseigneur le comte d'Armagnac.

Vous avez quelque chose contre ?

Decontenance, le heraut bredouilla quelque chose, toussa pour s'eclaircir la voix, redressa la tete d'un air superbe puis clama :

— Moi, Fermoso, poursuivant d'armes de Messire Rodrigue de Villa-Andrado, comte de Ribadeo, seigneur de Puzignan, de Talmont et de...

— Au fait ! coupa impatiemment l'Ecossais. Que nous veut messire Villa-Andrado ?

L'interesse, jugeant sans doute que les negociations duraient trop longtemps, poussa son cheval et vint se ranger entre sa banniere et son heraut. Sous la ventaille relevee du casque, orne de deux ailes d'or, d'un tortil et de lambrequins rouges, Catherine, cachee derriere son merlon, put voir etinceler les dents aigues, tres blanches, parmi la courte barbe noire.

5
Перейти на страницу:
Мир литературы