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Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта - Страница 32


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— Que dit-il ? demanda Catherine.

— Qu'aucune ville chretienne, jamais, n'a ose se fermer devant les pelerins de Compostelle, que lui et les siens sont extenues, qu'il a des malades, des blesses meme qui ont grand besoin d'arriver a l'hospice car ils ont ete attaques par des brigands et qu'il exige l'ouverture des portes !

— Et que lui repond-on ?

— Que don Martin ne veut pas !

Le dialogue, de plus en plus rapide, de plus en plus violent, se poursuivit quelques instants. Finalement, Gerbert Bohat planta son baton a terre et s'appuya dessus dans une position d'attente tandis qu'autour de lui les pelerins se laissaient tomber sur le sol, extenues de fatigue.

— Alors ? demanda Catherine a Josse.

— Gerbert en appela a l'archeveque. Le soldat lui a repondu qu'on allait chercher don Martin.

L'Alcade Criminel ne tarda pas a apparaitre. Catherine entrevit sa longue silhouette noire, ses jambes de faucheux qui grimpaient l'escalier de pierre du rempart. Hans, a son tour, etait descendu du chariot malgre les gardes qui pretendaient le faire rentrer chez lui et avait rejoint ses compagnons.

— Il y a peut-etre la une chance, souffla-t-il. J'ai entendu don Martin dire que les brigands qui ont attaque les pelerins sont peut-etre ceux d'Oca et qu'il faudrait interroger les arrivants.

Au bout d'un instant, en effet, la voix coupante de don Martin se fit entendre au-dessus de la tete de Catherine. Gerbert avait salue poliment mais ne s'etait pas departi de son attitude raide pour s'adresser a lui. Un nouvel echange de paroles incomprehensibles pour la jeune femme puis, brusquement, le ton de l'alcade s'adoucit etrangement. Hans chuchota, etonne :

— Il dit qu'il va faire ouvrir les portes devant ces saintes gens...

mais je n'aime pas beaucoup sa subite douceur. Et l'art d'interroger autrui ne presente pas beaucoup de nuances chez don Martin.

N'importe, si la herse s'ouvre, il faudra en profiter...

— Mais vous risquez d'etre poursuivi ? objecta Catherine. On vous tirera peut-etre dessus ? Si une fleche vous atteignait je ne me le pardonnerais pas.

— Moi non plus ! sourit Hans mi-figue mi-raisin, mais nous n'avons pas le choix. Si l'on decouvre ce que nous transportons, nous partageons son sort. Le vin est tire, il faut le boire ! Ecoutez ce vacarme derriere nous ! On fouille toutes les maisons. Mourir pour mourir, j'aime mieux une fleche que le bucher.

Et Hans se reinstalla resolument sur son siege, invitant Catherine et Josse a en faire autant. Ils reprenaient tout juste leur place quand don Martin Gomez Calvo apparut sous la voute avec une escouade d'alguazils. Il eut un haut-le-corps en apercevant le chariot et se dirigea vivement vers lui. Le voyant approcher, son maigre visage deforme par la colere, Catherine se sentit mourir. Il allait faire reculer la voiture, ordonner qu'on la fouille. Elle ecouta la voix aigre invectiver Hans avec la mort dans l'ame, persuadee que rien, desormais, ne pourrait plus sauver ni elle, ni Gauthier, ni leurs amis, de cet echafaud vide qui, la-bas, avait l'air d'attendre une proie.

Mais c'etait mal connaitre le maitre d'?uvre. A la colere de l'alcade, il opposa un calme olympien, expliquant, comme Josse le chuchota a l'oreille de Catherine, qu'il lui fallait absolument porter son chargement de pierres a Las Huelgas parce qu'il etait deja en retard pour un travail a lui commande par le connetable Alvaro de Luna. Le nom du maitre de la Castille fit son effet. La hargne de don Martin baissa de quelques degres. Son regard aigu, mefiant, enveloppa tour a tour chacun des occupants du chariot. Catherine, sous l'examen de ces yeux cruels, retint mal un frisson de degout. Il y eut un instant de silence accablant, mais, enfin, les levres minces de don Martin s'entrouvrirent, laisserent tomber une phrase courte. Derriere elle, Catherine sentit Josse fremir. Hans, lui, n'avait pas bronche, mais, en le voyant serrer ses renes d'une main plus ferme, la jeune femme comprit que l'on allait partir. En effet, la herse, lentement, se relevait.

Mais, derriere le chariot et tout autour, il y avait une troupe armee.

Don Martin s'avanca sur le pont, fit un geste autoritaire qui invitait les pelerins a s'avancer. Ils se releverent peniblement, se mirent en rang tant bien que mal. Seul Gerbert n'avait rien perdu de son attitude hautaine.

— Allons-y ! murmura Hans. Nous tenons trop de place. Nous attendrons, sur le pont, que toute la colonne soit passee.

Le chariot avanca lentement, sortit de l'ombre humide de la porte.

Catherine, qui, jusque-la, avait eu la sensation d'avoir sur sa poitrine toutes les pierres du rempart, sentit son c?ur s'alleger. Hans rangea son vehicule pour laisser passer les pelerins. Ils semblaient accables de fatigue, et aussi de misere. La traversee des montagnes avait du les eprouver. Au passage, Catherine et Josse reconnurent quelques visages, mais la plupart portaient les traces visibles de leurs peines.

Les vetements etaient en lambeaux, les corps tumefies ou meme blesses. Les brigands avaient du les malmener cruellement. Plus aucun d'entre eux n'avait le courage de chanter.

— Pauvres gens ! murmura Catherine. Nous devrions etre comme eux !

— Dieu soit loue, nous n'y sommes pas, souffla Josse avec une satisfaction qui, d'ailleurs, ne dura guere.

En effet, le drame tout de suite eclata. A peine les pelerins eurent-ils atteint la porte Santa Maria que les soldats les entourerent et s'emparerent d'eux.

— Sang du Christ ! jura Josse. Mais... on les arrete !

— Don Martin desire leur poser quelques questions, repondit Hans d'une voix sombre. Il prefere s'assurer de leurs personnes...

momentanement !

— C'est indigne ! s'ecria Catherine. Qu'est-ce que ces pauvres gens peuvent lui apprendre ? Ils ont besoin de soins. Pas de policiers !

— On leur demandera si les brigands d'Oca ont recupere leur compagnon, par exemple. Et ou ils ont leur repaire. Reste a savoir de qui ces malheureux ont le plus peur : de la vengeance des brigands ou bien de don Martin !

Catherine ne repondit pas. Tournee vers la ville, elle suivait avec angoisse les peripeties du drame. Car, si la plupart des pelerins se laissaient emmener sans resistance, quelques-uns d'entre eux tentaient d'opposer une certaine defense aux hommes de l'alcade et, premier de tous, naturellement, Gerbert Bohat. On l'entendit crier :

— Trahison ! Defendons-nous, mes freres, Dieu le veut !

Et lui-meme, courageusement, se lanca dans la bataille, opposant son derisoire bourdon aux epees et aux lances des soldats. Incapables d'aller plus loin, Catherine, Hans et Josse regardaient, fascines, les yeux agrandis par l'horreur. Le sang coulait, sur le pont, en longues rigoles sombres qui se moiraient sous le soleil deja haut. La brutalite des Castillans se donnait libre cours et, debout, bras croises, a quelque distance, don Martin regardait en passant sa langue sur ses levres.

Cela ne dura guere, le combat etant par trop inegal. Bientot, tous les pelerins furent maitrises. Catherine, soulevee d'indignation, entendit le cri de mort de Gerbert, frappe en pleine poitrine par une lance. Un ordre bref lui fit echo et, aussitot, le malheureux Clermontois fut jete a la riviere qui, sur son flot jaune, grossi des dernieres pluies, l'emporta lentement d'abord, puis plus vite. Les autres pelerins furent pousses dans la ville et la herse retomba...

Rageusement, Catherine secoua Hans qui paraissait frappe de stupeur.

— Vite, partons ! Nous avons la place maintenant... Et puis nous pourrons peut-etre le repecher.

— Qui ? fit Hans en levant sur elle un regard accable.

— Mais lui... Gerbert Bohat que ces miserables ont jete a l'eau.

Peut-etre n'est-il pas mort...

Docilement, Hans mit le chariot en marche. La route qui menait a Las Huelgas suivait, heureusement, le cours de l'Arlanzon. Josse avait quitte sa place, a l'arriere de la carriole, pour rejoindre les deux autres.

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