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Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта - Страница 28


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? Autant de questions auxquelles Catherine s'irritait de ne pas trouver de reponse.

Les hommes, enfin, se retirerent, le feu baissa. La vieille Urraca avait depuis longtemps disparu dans quelque trou. L'obscurite, peu a peu, se fit plus profonde dans la cuisine enfumee. La maison s'emplit de ronflements, mais Catherine, seule, demeura les yeux ouverts, n'ecoutant que les battements lourds de son c?ur. Elle n'avait meme pas voulu s'etendre et quand, dans l'ombre, elle vit approcher la forme silencieuse de Hans, elle se leva aussitot. Josse fut sur pied en meme temps qu'elle.

— Venez ! chuchota Hans... C'est maintenant ou jamais...

Tous trois se retrouverent aupres du puits de la cour. La pluie ne tombait presque plus, mais la nuit etait noire comme de la suie.

— Un instant, souffla Hans. Il faut prendre certaines choses.

Il tendit a Catherine un paquet de tissu rugueux, a Josse une sorte de bissac de toile rude assez lourd et se chargea lui-meme d'un grand sac qui semblait peser un poids assez remarquable.

— Qu'est-ce que tout cela ? demanda Catherine tout bas.

— Vous comprendrez la-haut. Venez vite !

Dans l'obscurite profonde, car la nuit etait vraiment tres dense, ils refirent le chemin de la nuit precedente. Il faisait si noir que l'on n'y voyait pas a trois pas et que Catherine s'agrippait a la ceinture de Hans pour ne pas tomber. Ils atteignirent sans encombre le porche, penetrerent dans l'eglise. Comme la veille, deux moines priaient aupres du tombeau du Cid, mais Catherine leur accorda a peine un regard. L'impatience la devorait tellement qu'elle etait prete a abattre tout obstacle qui oserait surgir. De temps en temps, elle tatait, a sa ceinture, sa fidele dague, bien decidee a s'en servir s'il le fallait.

Au sommet de la tour, la violence du vent l'obligea a se courber, mais ses yeux s'etaient un peu accoutumes a l'obscurite. Bien peu, a vrai dire, et elle faillit choir deux fois en approchant des balustrades.

La cage n'apparaissait plus que comme une tache plus sombre dans un ocean de tenebres. Les toits de la ville et la campagne environnante s'y etaient fraternellement engloutis.

— On n'y voit rien ! chuchota-t-elle. Comment allons-nous faire ?

— Moi j'y vois assez, coupa Hans. C'est le principal. Attention, Josse, je vais faire remonter la cage.

Retroussant ses manches, le maitre d'?uvre cracha dans ses mains et s'attela a l'enorme roue du treuil que Catherine regardait avec effroi, songeant que jamais un homme seul ne parviendrait a la faire mouvoir.

— Je vais vous aider ! declara-t-elle.

— Non... laissez ! Il vaut mieux que vous aidiez Josse a attirer la cage lorsqu'elle arrivera a la hauteur de la plate-forme. Ce ne sera deja pas si facile... Quant a ce treuil, soyez tranquille, je le connais.

Et, prenant une profonde inspiration, Hans commenca a peser sur l'epaisse manivelle du treuil. La cage oscilla puis, lentement, tres lentement, commenca a remonter. Aucun bruit ne se fit entendre. Le graissage avait ete bien fait. Dans la cage, rien ne bougea. On devinait plutot qu'on ne distinguait une masse inerte.

— Pourvu qu'il ne soit pas mort ! souffla Catherine que cette immobilite effrayait.

— Pourvu, surtout, que Hans y arrive ! repliqua Josse inquiet.

Remonter ca tout seul, c'est un travail de titan !

L'effrayant effort que s'imposait le tailleur de pierre se devinait a sa respiration courte, tendue. Jusque dans les fibres de sa chair, Catherine sentait la lutte terrible entre les muscles de l'homme et le poids de la cage. Celle-ci ne remontait plus qu'imperceptiblement.

— Mon Dieu ! Il ne pourra jamais ! gemit Catherine.

Elle allait se precipiter vers Hans pour l'aider de son mieux quand sa respiration s'etrangla dans sa gorge. De l'escalier.une ombre venait de surgir. Elle n'eut pas le temps de crier. Le nouveau venu avait dit trois mots dans une langue inconnue et, deja, joignait ses efforts a ceux de Hans.

— Qui est cet homme ? demanda Catherine interdite.

— N'ayez pas peur. C'est Hatto, mon contremaitre... Il a devine ce que nous voulions faire et veut nous aider.

— Pour quelle raison ?

— Gottlieb, l'homme auquel don Martin a fait trancher le poing, est son frere. On peut avoir confiance.

— Et puis nous n'avons pas le choix... d'autant plus qu'une aide est la bienvenue.

— A qui le dites-vous ! J'ai cru que j'allais tout lacher. Cette cage est si lourde qu'elle vous arrache les muscles.

Sans repondre, Catherine, frissonnante a l'idee de ce qu'evoquaient les derniers mots de Hans, rejoignit Josse. La cage remontait plus vite maintenant. Son sommet atteignait le bord de la plate-forme, le depassait... Arme d'une gaffe, Josse attrapa l'un des barreaux, tira a lui.

— Doucement ! chuchota Hans... doucement ! Il faut la poser sans faire de bruit.

La man?uvre etait difficile, delicate. Catherine retenait sa respiration et, malgre le froid de la nuit, se sentait trempee de sueur.

Mais, en saisissant, a son tour, le bois grossier de la cage, elle eprouva un vif sentiment de victoire. Un instant, l'affreuse prison tourna doucement a quelques centimetres au-dessus de la plate-forme, puis, avec une lenteur qui accelera les battements du c?ur de Catherine, elle se posa enfin. Les hommes du treuil pousserent un soupir de soulagement. Catherine les devina plus qu'elle ne les vit essuyer a leur manche leur front en sueur.

— Cette nuit est vraiment noire comme de l'encre ! grommela Hans. Il faut travailler presque a tatons... Est-ce que vous trouvez la porte ?

— Oui, souffla Josse. J'y suis !

La grossiere ferrure qui fermait la cage etait en effet assez rudimentaire pour n'offrir aucun probleme. La porte ouverte, Catherine s'y engagea, palpant de ses mains impatientes la forme inerte et trempee qui gisait a l'interieur.

— Il ne bouge plus ! murmura-t-elle avec angoisse. Il doit etre mort...

— On va voir ca ! repondit Josse. Otez-vous, dame Catherine.

Laissez-nous faire...

— Depechons ! grogna Hans. Regardez le ciel...

En effet, une legere lueur venait d'apparaitre derriere un ecran de nuages. C'etait tres peu de chose, mais on y voyait tout a coup un peu plus clair.

— Si l'un des gardes ou n'importe quel autre citadin a l'idee .de lever les yeux et constate que la cage n'est plus a sa place nous aurons toute la ville sur le dos en un instant ! Alors que Dieu nous protege.

— Dans tous les pays du monde, retorqua la jeune femme sechement, une eglise est un lieu d'asile...

— Dans tous les pays peut-etre... mais ici, je n'en suis pas tellement certain !

Non sans peine mais avec d'infinies precautions, les trois hommes tirerent le prisonnier de sa cage. Il etait, en effet, completement inerte.

On ne l'entendait meme pas respirer. Vivement, Catherine posa la main sur son c?ur, la retira avec un soupir de soulagement.

— Il vit ! souffla-t-elle. Mais pour combien de temps ?

— Vite ! ordonna Hans, deshabillez-le !

— Mais pourquoi ?...

— Vous verrez bien. Pour l'amour du ciel, hatez- vous ! II fait de plus en plus clair.

Comme pour lui donner raison, on entendit, en bas, sur la place, l'un des gardes qui toussait. Puis le bruit d'une lance qui heurtait la pierre. Les quatre complices se figerent, le c?ur ou, attendant le cri d'alerte qui allait suivre immanquablement... Mais rien ne vint !

Quatre soupirs s'echapperent simultanement. Josse, Catherine et Hatto se precipiterent sur Gauthier pour le deshabiller tandis que Hans ouvrait le sac, si lourd, qu'il avait emporte. Il contenait un gros morceau de bois taille hativement et qui evoquait grossierement la forme d'un homme replie sur lui-meme.

— Il faut que la cage ait toujours l'air occupee ! chuchota Hans, sinon la ville sera fouillee des l'aube et nous ne pourrons jamais faire sortir cet homme. Avec un peu de chance, personne ne s'apercevra de la substitution avant quelques jours.

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