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Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта - Страница 26


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A mesure que la jeune femme parlait, la figure de Hans avait repris sa couleur normale. Quand elle eut fini, il dedia a son adversaire d'un instant une grimace qui, a la rigueur, pouvait passer pour un sourire.

Puis, haussant les epaules :

— Est-ce que je sais ? Parce que vous me plaisez, bien sur, mais aussi pour moi-meme ! Ce prisonnier est un homme du Nord, comme moi, comme vous. Et puis il commence a m'interesser, je n'ai pas envie de le laisser depecer comme viande de boucherie par ces brutes sanguinaires. Je crois bien que je ne pourrais plus dormir apres.

Enfin... je hais le seigneur alcade qui a fait trancher une main a l'un de mes hommes sous pretexte de vol. Je serais enchante de lui jouer un tour...

Il s'eloigna vers le fond de la piece, prit dans un coin un matelas roule qu'il etendit non loin du feu.

— Couchez-vous la et tachez de dormir un peu, dit-il en se tournant vers Catherine. Dans les heures noires qui suivent minuit, nous monterons aux tours pour tenter d'atteindre la cage.

— Croyez-vous que nous allons pouvoir le delivrer ? demanda Catherine les yeux brillants d'espoir.

— Cette nuit ? Je ne pense pas. Il faut voir comment cela se presente vu d'en haut, et il faut aussi preparer la fuite. Mais nous pourrons peut-etre lui passer a manger et a boire !

La voix du sereno avait crie minuit depuis bien longtemps quand la porte de la maison d'?uvre s'ouvrit sans bruit pour livrer passage a trois ombres, deux grandes et une petite. Hormis les soldats qui montaient la garde au pied des tours, il n'y avait ame qui vive sur la place. Seul, un chat fila devant les promeneurs nocturnes.

Catherine, Josse et Hans se glisserent dans l'ombre du cloitre de la cathedrale en direction du portail lateral del Sarmental dont Hans avait une clef de la petite porte. Il construisait, en effet, une chapelle pres de ce portail. Retenant leur souffle, ils avancaient lentement, prenant garde de ne pas buter sur les pierres du sol. Sous son bras, Josse portait une cruche d'eau tandis que Hans avait un quartier de lard et une petite miche de pain. Catherine, seule, ne portait rien. Elle marchait les yeux a terre, n'osant lever la tete vers la forme sinistre de la cage qui se detachait sur la nuit claire.

— Attention ! avertit Hans quand fut atteint le portail en haut d'une volee de marche. Pas un bruit dans l'eglise. Elle resonne comme un tambour et il y a toujours deux moines en priere. Ils se relaient toute la nuit. Donnez-moi la main, dame Catherine, je vous guiderai.

Elle glissa sa main dans la paume rugueuse du maitre d'?uvre et le suivit docilement tandis que Josse empoignait un pan de son manteau.

La petite porte decoupee dans le haut portail ne grinca pas sous la main precautionneuse de Hans. Les trois compagnons apercurent, dans le ch?ur, les deux moines qui priaient, agenouilles sur les dalles, leurs cranes rases refletant la lumiere jaune d'une unique lampe a huile. On entendait nettement le murmure des deux voix qui se repondaient sur un rythme monotone.

Hans se signa rapidement. Aussitot, il entraina ses compagnons le long de la chapelle commencee puis dans l'Ombre epaisse des piliers.

Ils glisserent comme des fantomes jusqu'a l'escalier des tours, dans lequel ils s'engagerent. Mais il y faisait noir comme dans un four.

Hans referma soigneusement la porte puis battit le briquet. Des torches attendaient, posees a terre ; il en alluma une, l'elevant au-dessus de sa tete pour eclairer la vis de pierre.

— Je l'eteindrai en arrivant en haut ! fit-il. Vite, maintenant...

L'un derriere l'autre, ils s'engagerent dans l'etroit escalier, grimpant d'une traite jusqu'en haut. Quand Hans eteignit la torche sous son pied, tous trois etaient hors d'haleine tant ils etaient montes vite. L'air plus vif frappa Catherine au visage. On debouchait la en plein ciel, mais, bien que la nuit fut claire, piquee d'etoiles, il lui fallut quelque temps pour accommoder son regard.

— Prenez garde a ne pas tomber, recommanda Hans. Il y a des pierres et des madriers un peu partout.

On etait, en effet, sur le chantier principal de l'Allemand qui, au-dessus des tours carrees, elevait des fleches fleuronnees faisant grand honneur a son talent. L'enorme treuil detachait sur le ciel sa grande roue en cour de chene arme et Catherine la regarda avec l'horreur que l'on reserve a un instrument de torture. Guidee par la main attentive de Hans, elle vint jusqu'a la balustrade ajouree de la tour, se pencha.

Pendue a l'enorme cable du treuil la cage tournait doucement sur ellememe, juste en dessous. A travers les ais de bois qui la composaient, elle put apercevoir le prisonnier. La tete levee, il regardait le ciel, mais une plainte incessante s'echappait de ses levres, si faible que Catherine en frissonna d'angoisse. Elle tourna vers Hans un regard suppliant.

— Il faut le remonter, le sortir de cette cage... tout de suite ! Il est blesse.

— Je sais, mais il n'est pas possible de le remonter cette nuit. Le treuil grince epouvantablement. Si j'essayais de le mettre en marche, j'attirerais l'attention des soldats aussitot. Nous n'irions pas loin.

— Ne pouvez-vous l'empecher de grincer ?

— Bien sur que si. Il faut l'enduire de graisse et d'huile, mais ce n'est pas besogne que l'on puisse faire en pleine nuit. De plus, je vous l'ai dit, il faut preparer la fuite de cet homme. Pour le moment, nous allons essayer de le secourir. Appelez-le... mais doucement. Il ne s'agit pas de faire lever le nez aux soldats.

Retenue par Josse cramponne a sa ceinture, Catherine se pencha jusqu'aux limites de l'equilibre, appela doucement :

— Gauthier !... Gauthier !... C'est moi ! Catherine...

Le prisonnier tourna la tete vers elle, mais lentement, sans que rien, dans ce mouvement, n'indiquat la surprise.

— Ca... the... rine ? fit-il d'une voix qui avait l'air de sortir d'un reve.

Puis au bout d'un instant pendant lequel la jeune femme put compter les battements de son propre c?ur :

— J'ai soif !... murmura-t-il.

Le c?ur de Catherine se tordit d'angoisse. Etait-il deja si faible que les mots ne l'atteignaient plus, qu'il ne pouvait plus les comprendre ?

Elle eut un elan desespere.

— Gauthier ! Je t'en supplie ! Reponds-moi ! Regarde-moi ! Je suis Catherine de Montsalvy !

— Attendez un instant, souffla Hans en l'obligeant a se redresser.

Donnons-lui d'abord a boire. Nous verrons ensuite !

Prestement, il attachait l'etroit goulot de la cruche a une longue perche de bois qui trainait sur le chantier et la descendit lentement jusque dans la cage, jusqu'a ce qu'elle touchat les mains de l'homme enchaine qui, les yeux toujours leves, semblait pourtant ne rien voir.

— Tiens, l'ami ! ordonna-t-il. Bois !

Le contact du pot de terre humide parut declencher une veritable commotion chez le prisonnier. Il s'en saisit avec un grognement sourd et se mit a boire avidement, a grandes lampees qui evoquaient un animal a l'abreuvoir. La cruche fut videe jusqu'a la derniere goutte.

Quand il n'y eut plus rien, Gauthier la lacha et parut retomber dans sa torpeur. Catherine, le c?ur serre, murmura :

— Il ne me reconnait pas ! C'est tout juste s'il a l'air d'entendre.

— C'est la fievre, sans doute, repondit Hans. Il est blesse a la tete.

Essayons maintenant de lui faire manger quelque chose.

Les aliments solides eurent le meme succes que l'eau fraiche, mais le prisonnier n'en demeura pas moins sourd aux appels et aux supplications de Catherine. Il levait les yeux vers elle, la regardait comme si elle etait transparente, puis se detournait. De ses levres s'echappait une sorte de chant monotone et lent, vague et inconsciente melopee qui acheva de terrifier Catherine.

— Mon Dieu !... Mais il est fou ?

— Je ne pense pas, fit Hans d'un ton encourageant, mais je vous l'ai dit : il doit delirer. Venez, dame Catherine, pour le moment, nous ne pouvons rien de plus pour lui. Nous allons rentrer. Demain, pendant la journee, je m'arrangerai pour graisser le treuil afin qu'il ne grince plus. La nuit prochaine, peut-etre, nous pourrons le tirer de la.

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