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Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта - Страница 13


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Catherine garda le silence un moment, pesant les paroles qu'il venait de prononcer avec une gravite inattendue. Enfin elle dit :

— La seconde question maintenant : pourquoi nous avez-vous rejointes ? Pourquoi venez-vous ici avouer votre faute ? Je suis libre, en securite, et vous l'etiez aussi. En venant ici, vous remettez tout en question. Vous ignorez comment je vais reagir et si je ne vous livrerai pas.

C'etait un risque a courir, fit Josse sans se demonter. Mais je ne voulais plus rester avec ces diseurs de patenotres sanguinaires. J'en avais assez de Gerbert Bohat et de messire Colin. Du moment que vous n'etiez plus la, le voyage n'avait plus aucun interet et...

— Et tu t'es dit, ricana Ermengarde, qu'a defaut de rubis tu pourrais peut-etre chasser l'emeraude de la Reine. Car tu n'as certainement pas tes yeux dans ta poche, n'est-ce pas ?

Mais de nouveau Josse dedaigna de lui repondre. Soutenant toujours le regard de Catherine, il dit :

— Si vous pensez cela, dame Catherine, livrez-moi sans plus d'hesitation. Ce que je voulais vous dire, c'est ceci : je vous ai fait tort pour sauver ma vie, mais j'en ni grand regret. Pour reparer, je suis venu vous offrir mes services. Si vous le permettez, je vous suivrai, je vous defendrai... Je suis un truand, mais je suis brave et je sais manier l'epee comme un seigneur. Sur la route que vous suivez, on a toujours besoin d'un bras solide. Voulez-vous, d'abord, me pardonner et ensuite me prendre pour serviteur ? Sur le salut de mon ame, je jure de vous servir fidelement.

De nouveau le silence. Josse, toujours a genoux, ne bougeait pas, attendant la reponse de Catherine. Celle-ci, bien loin d'eprouver de la colere, se sentait curieusement attendrie par ce garcon bizarre qui, a une malhonnetete flagrante, joignait des sentiments d'une curieuse elevation et un charme indeniable. Passant par sa bouche, les choses les plus ahurissantes prenaient un air de naturel. Neanmoins, avant de repondre, elle leva les yeux sur Ermengarde qui, les levres serrees, gardait, elle aussi, le silence, mais un silence de mauvais augure.

— Que me conseillez-vous, chere amie ?

La douairiere haussa les epaules avec emportement.

— Que voulez-vous que je vous conseille ? Vous paraissez douee des memes talents que la magicienne Circe : elle changeait les hommes en pourceaux. Apparemment, vous faites l'operation inverse.

Agissez donc a votre guise, mais je connais deja votre reponse.

Tout en parlant, Ermengarde avait enfin atteint sa bequille, s'y agrippait en refusant la main de Catherine et se mettait debout apres un meritoire effort. Et comme Catherine, alarmee, craignant de l'avoir offensee, demandait avec inquietude :

— Ou allez-vous, Ermengarde ?. Je vous en prie, ne prenez pas mal ce que je vais vous dire, mais...

— Ou voulez-vous que j'aille ? grogna la vieille dame. Je vais dire a Beraud de battre un peu la ville pour nous trouver un autre cheval.

Ce garcon court peut- etre vite, mais pas assez pour nous suivre jusqu'en Galice a pied !

Apres quoi, etayee tant bien que mal sur ses bequilles, semblable a quelque vaisseau de haut bord donnant fortement de la bande, Ermengarde de Chateauvillain quitta majestueusement la cour de l'auberge.

Quinze jours plus tard, Catherine et son escorte, parvenue au pied des Pyrenees, franchissaient le gave d'Oloron sur l'antique pont fortifie de Sauveterre. Le voyage s'etait deroule sans histoire car, dans les terres traversees, qui appartenaient pour la plupart a la puissante famille d'Armagnac, les routiers anglais n'etaient guere a craindre. Les places fortes qu'ils tenaient encore en leur pouvoir se situaient surtout en Guyenne et, peu soucieux de se creer des histoires avec le comte Jean IV d'Armagnac, dont la politique envers eux se montrait etrangement souple depuis quelque temps, ils se gardaient bien d'empieter sur ses domaines.

Par Cahors, Moissac, Lectoure, Condom, Eauze, Aire-sur-Adour et Orthez, Catherine, Ermengarde et leurs gens avaient enfin atteint les montagnes qui les separaient de l'Espagne. Mais la patience de Catherine etait a bout. Depuis que l'on avait quitte les pelerins de Gerbert Bohat, Ermengarde de Chateauvillain semblait avoir perdu tout a coup sa hate d'arriver a destination. Elle qui, la veille encore, excitait l'impatience de Catherine, lui demontrant vigoureusement l'avantage qu'il y aurait a laisser en arriere la colonne trop lente des pelerins, voila qu'elle semblait mettre un malin plaisir a ralentir leur marche !

Au debut, Catherine n'avait rien soupconne. Il avait fallu demeurer une journee a Figeac pour procurer une monture a Josse Rallard. A

Cahors aussi l'on etait demeure deux nuits : c'etait un dimanche et Ermengarde assurait que, sur les routes saintes, il ne portait pas bonheur de ne pas respecter le jour du Seigneur. C'etait acceptable et, par amitie, Catherine avait refrene son impatience, mais quand, a Condom, la douairiere avait voulu s'attarder pour assister a une fete, la jeune femme n'avait pu se retenir de protester.

— Oubliez-vous que je ne fais pas ce voyage par plaisir et que les fetes n'ont pour moi aucune importance ? Vous savez ma hate d'arriver en Galice, Ermengarde. Que venez-vous me parler de fetes locales ?

Sans se demonter, Ermengarde, jamais a court, avait objecte qu'une trop grande tension d'esprit est nefaste au bon fonctionnement du corps et qu'il est salutaire, meme lorsqu'on est presse, de prendre un peu son temps. Naturellement, Catherine n'avait rien voulu entendre.

— Autant valait, dans ce cas, aller jusqu'au bout du v?u que j'avais fait et demeurer avec Gerbert Bohat !

— Vous oubliez qu'il ne dependait pas de votre volonte de demeurer avec les pelerins, ma chere !

Catherine, alors, avait regarde son amie avec curiosite.

— Je ne vous comprends pas, Ermengarde. Vous sembliez desireuse de m'aider et, tout a coup, on dirait que vous avez change d'avis ?

— C'est bien parce que je souhaite vous aider que je vous preche la moderation. Qui sait si vous n'allez pas au-devant de cruelles deceptions ? Dans ce cas, vous les rencontrerez toujours assez tot !

Cette fois, Catherine n'avait pas repondu. Les paroles de son amie correspondaient trop a ses angoisses constantes pour ne pas ressentir cruellement leur echo. Cette entreprise etait folle, elle le savait bien, et ce n'etait pas la premiere fois qu'elle se disait combien minces etaient ses chances de retrouver Arnaud. Souvent, la nuit, au c?ur de l'obscurite, dans ces heures sombres et lourdes ou les angoisses decuplees entretiennent l'insomnie et font battre le c?ur sans qu'il soit possible de le calmer, elle demeurait eveillee, couchee sur le dos, les yeux grands ouverts, essayant de faire taire sa raison qui lui conseillait d'abandonner, de retourner a Montsalvy aupres de son enfant et d'y entamer courageusement une vie tout entiere consacree a Michel. Parfois, elle etait prete a ceder, mais, quand l'aube pointait, chassant les fantomes deprimants, Catherine se retrouvait plus acharnee que jamais a la poursuite de son reve : revoir Arnaud, ne fut-ce qu'un instant, lui parler une fois encore. Ensuite...

Elle n'en eprouvait pas moins une penible impression a constater qu'au lieu des encouragements dont elle avait tant besoin elle ne trouvait plus chez son amie que scepticisme et conseils de prudence.

Ermengarde, elle le savait bien, n'avait jamais aime Arnaud. Elle appreciait en lui la race, la vaillance et le talent d'homme de guerre, mais elle avait, de tout temps, ete persuadee que Catherine ne pouvait trouver aupres de lui que douleur et desenchantement.

Pourtant, ce matin, tandis que les sabots de son cheval resonnaient sur les pierres du vieux pont, il n'y avait place que pour l'espoir dans le c?ur de Catherine. Sourde aux grondements du gave ecumeux dont les eaux blanches roulaient sous ses pas, elle regardait avec une stupeur emerveillee ces immenses montagnes dont les sommets aigus, en dents de scie, s'encapuchonnaient de neige eclatante. Pour l'enfant des plaines qu'elle etait et qui n'avait connu, en fait de montagnes, que les formes adoucies de l'Auvergne, ce gigantesque decor formait une barriere a la fois redoutable et exaltante ou aucun chemin ne paraissait possible. Elle ne put s'empecher de songer a haute voix :

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