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Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта - Страница 10


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— Cela ne prouve pas que nous soyons coupables ! Conques est une cite sainte, mais ce n'est malgre tout qu'une cite, peuplee d'hommes parmi lesquels le mal peut fort bien se glisser.

— Nous connaissons nos propres brebis galeuses et le Tres Reverend Abbe s'en occupe depuis ce matin. Mon frere... il serait tellement plus simple de faire la preuve qu'aucun de vous ne detient les pierres volees !

— Que voulez-vous dire ?

— Que nous sommes trois seulement, mais que, si vous vouliez bien vous laisser fouiller, nous ne vous retiendrons pas longtemps.

— Sous cette pluie ? repliqua Gerbert dedaigneux. Et vous chargerez-vous de fouiller les femmes ?

— Deux de nos s?urs nous suivent de pres. D'ailleurs les voici, fit le moine qui, decidement, avait reponse a tout. Et il y a, tout de suite apres ce tournant, un petit oratoire ou il sera possible de nous etablir.

Je vous en prie, mon frere. Il y va de la gloire de sainte Foy et de l'honneur de Dieu !

En se haussant sur la pointe des pieds, Catherine vit, en effet, deux nonnes qui arrivaient par le chemin, aussi essoufflees que leurs compagnons et aussi trempees que tous les autres. Gerbert ne repondit pas tout de suite : il reflechissait et la jeune femme, si l'indignation bouillait en elle en songeant que l'on avait depouille une sainte, partageait les sentiments du chef. Cette fouille devait lui repugner profondement. Comme devait l'irriter, autant que Catherine elle-

meme, cette nouvelle perte de temps... Au bout d'un instant, il jeta autour de lui un coup d'?il circulaire.

— Qu'en pensez-vous, mes freres ? Acceptez-vous de vous preter a cette... desagreable formalite ?

— Le pelerinage nous impose l'humilite, fit Colin avec componction. Cette humiliation nous sera bonne et Monseigneur saint Jacques la mettra au nombre de nos merites.

— C'est entendu ! coupa Catherine qui bouillait d'impatience.

Mais alors faisons vite. Nous n'avons que trop perdu de temps !

La troupe se dirigea vers le petit oratoire de pierre, eleve au bord du chemin un peu plus loin, juste a l'epaulement du coteau. De la, tout le site de Conques etait largement visible, mais nul ne songeait a l'admirer. Il allait falloir attendre sous cette pluie.

— Les voyages en groupes nombreux sont vraiment une chose charmante, ironisa Ermengarde qui venait de rejoindre Catherine. Ces braves moines ferment la garde et nous surveillent comme si nous etions un troupeau de moutons galeux. Et s'ils croient que je vais me laisser fouiller...

— Il le faudra bien, ma chere amie ! Sinon, les soupcons se porteraient sur vous et, de l'humeur dont se trouvent nos compagnons, ils risqueraient de vous faire un mauvais parti ! Oh !... que vous etes donc maladroit, mon frere !

La derniere partie de la phrase s'adressait a Josse qui, butant contre une pierre, venait de la bousculer si brutalement que tous deux s'etaient retrouves a genoux sur le talus.

— Je suis desole, fit le Parisien, la mine contrite, mais ce damne chemin est plus troue que la robe d'un moine mendiant. Vous ai-je fait mal ?

Plein de sollicitude, il l'aidait a se relever, chassait de la main les marques de boue sur la robe et la cape de la jeune femme. Il avait l'air si malheureux qu'elle ne se sentit pas le c?ur de lui en vouloir.

— Ce n'est rien ! dit-elle en lui souriant gentiment. Nous en verrons d'autres !

Puis, avec Ermengarde, elle alla s'asseoir sur un rocher sous l'auvent de la petite chapelle dans laquelle les nonnes venaient d'entrer. On avait decide que les femmes passeraient en premier pour que les saintes filles pussent rentrer le plus vite possible a leur couvent. Mais quelques hommes de bonne volonte, Gerbert en tete, se soumettaient dehors au desagreable examen. Heureusement, la pluie fit treve un instant.

— Ce pays est beau ! fit Catherine en designant le cirque gris, vert et bleu etendu a leurs pieds.

— Le pays est beau, riposta Ermengarde moqueuse, mais j'aimerais mieux qu'il soit deja loin derriere nous. Ah ! voici mes suivantes qui sortent, allons-y maintenant ! Aidez-moi !

Etayees l'une sur l'autre, les deux amies penetrerent dans l'oratoire.

Il y faisait froid, humide, une ec?urante odeur de moisi y regnait et la vieille dame, malgre ses vetements chauds, ne put s'empecher de frissonner.

— Faites vite, vous deux ! lanca-t-elle rudement aux religieuses. Et n'ayez pas peur, je n'ai encore jamais devore personne, ajouta-t-elle goguenarde devant leur mine effaree.

Elles etaient jeunes toutes deux, visiblement impressionnees par cette grande et forte femme qui parlait avec tant d'assurance, mais ne s'en livrerent pas moins a une fouille minutieuse qu'Ermengarde subit en piaffant d'impatience. Apres quoi, la plus agee des deux se tourna vers Catherine qui attendait son tour.

— A vous, ma s?ur ! lanca-t-elle en s'approchant d'elle. Et d'abord, donnez-moi cette aumoniere qui pend a votre ceinture.

Sans un mot, Catherine detacha la grande poche de cuir solide dans laquelle elle gardait son chapelet, un peu d'or, la dague a l'epervier qui ne la quittait jamais et l'emeraude gravee de la reine Yolande. La simplicite voulue de son accoutrement d'errante ne lui permettait pas, en effet, de porter a son doigt un bijou de cette valeur et, d'autre part, elle ne voulait pas s'en separer. D'autant moins qu'elle se dirigeait vers ces pays espagnols d'ou etait originaire la souveraine et ou ses armes pouvaient etre un secours, ainsi que Yolande elle-meme le lui avait dit.

La nonne vida l'aumoniere sur l'etroit autel de pierre et, voyant la dague, jeta sur Catherine un regard oblique.

— Un etrange objet pour une femme qui ne doit avoir autre defense que sa priere.

— Cette dague est celle de mon epoux ! repliqua la jeune femme sechement. Je ne m'en separe jamais et j'ai appris a me defendre contre les brigands !

— Qui seraient fort interesses par ceci, sans doute ! lit la s?ur en designant la bague.

Une bouffee de colere monta aux joues de Catherine. Le ton et les manieres de cette femme lui deplaisaient. Elle ne resista pas au desir de lui clouer le bec.

— La reine Yolande, duchesse d'Anjou et mere de notre reine me l'a donnee elle-meme. Y voyez-vous un inconvenient ? Je suis...

— Une grande dame, sans doute ? coupa l'autre avec un sourire sarcastique. Cela se devine sans peine quand on voit ces choses.

Qu'avez-vous a dire... noble dame ?

Sous les yeux ahuris de Catherine, elle venait de deplier un petit linge que la jeune femme n'avait pas encore remarque. Et, sur sa blancheur douteuse, etincelaient, splendides, d'un magnifique rouge sombre, les cinq rubis de sainte Foy...

— Qu'est-ce que cela ? s'ecria Catherine. Je ne les ai jamais vus.

Ermengarde !

— C'est de la sorcellerie ! s'ecria la grosse dame. Comment ces pierres sont-elles venues ici ? Il faut...

— Sorcellerie ou pas, nous les tenons ! s'ecria la s?ur. Et vous allez repondre de ce vol.

D'une main, elle empoignait Catherine par le bras et la tirait dehors en criant :

Mes freres ! Arretez ! Nous avons les rubis ! Et voici la voleuse ! D'un geste brutal, Catherine, rouge de colere et de honte devant toutes ces paires d'yeux soudain tournes vers elle, arracha son bras a la main seche de la nonne.

— Ce n'est pas vrai ! Je n'ai rien pris !... Ces pierres se sont trouvees, je ne sais comment, dans mon aumoniere..."On a du les y mettre.

Un grondement de colere pousse par les pelerins lui coupa la parole. Elle comprit, avec terreur, qu'ils ne la croyaient pas. Exasperes par la pluie, par le retard, par l'accusation qui pesait sur eux, tous ces braves gens etaient prets a se changer en autant de loups. La panique s'enfla dans le c?ur de Catherine. Elle etait la, au milieu de ce cercle menacant referme autour d'elle, avec cette femme haineuse qui glapissait a ses cotes qu'il fallait la ramener a Conques, la livrer a la justice de l'Abbe, la pendre...

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