Contes Merveilleux Tome II - Grimm Jakob et Wilhelm - Страница 19
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– J’ai tant mange que je ne puis plus rien avaler, be, be, be, be!
– Alors viens a la maison! dit le tailleur.
Il la conduisit a l’ecurie et l’attacha. Avant de partir, il se retourna une derniere fois et dit:
– Alors te voila donc repue pour une fois?
Mais la chevre ne fut pas meilleure avec lui qu’avec les autres. Elle s’ecria:
– De quoi devrais- je etre repue? Parmi les sillons j’ai couru pour me nourrir n’ai rien trouve – be, be, be, be!
Quand le tailleur entendit cela, il en resta tout interdit et vit bien qu’il avait chasse ses fils sans raison.
– Attends voir, s’ecria-t-il, miserable creature! Ce serait trop peu de te chasser; je vais te marquer de telle sorte que tu n’oseras plus te montrer devant d’honnetes tailleurs!
En toute hate, il rentre a la maison, prend son rasoir, savonne la tete de la chevre et la tond aussi ras qu’une pomme. Et, parce que l’aune eut ete trop noble, il prend une cravache et lui en assene de tels coups qu’elle se sauve a toute allure.
Quand le tailleur se retrouva si seul dans sa maison, il fut saisi d’une grande tristesse. Il aurait bien voulu que ses fils fussent de nouveau la. Mais personne ne savait ce qu’ils etaient devenus.
L’aine etait entre en apprentissage chez un menuisier. Il travaillait avec zele et constance. Lorsque son temps fut termine et que vint le moment de partir en tournee, son patron lui offrit une petite table, qui n’avait rien de particulier, en bois tres ordinaire. Mais elle avait une qualite: quand on la deposait quelque part et que l’on disait: «Petite table, mets le couvert!» on la voyait tout a coup s’habiller d’une petite nappe bien propre. Et il y avait dessus une assiette, avec couteau et fourchette, et des plats avec legumes et viandes, tant qu’il y avait la place. Et un grand verre plein de vin rouge etincelait que ca en mettait du baume au c?ur. Le jeune compagnon pensa: en voila assez jusqu’a la fin de tes jours! Et, de joyeuse humeur, il alla de par le monde, sans se preoccuper de savoir si l’auberge serait bonne ou mauvaise et si l’on y trouvait quelque chose a manger ou non. Quand la fantaisie l’en prenait, il restait dans les champs, les pres ou les bois, ou cela lui plaisait, decrochait la petite table de son dos, l’installait devant lui et disait: «Petite table, mets le couvert!» Et tout de suite, tout ce que son c?ur souhaitait etait la. Finalement, il lui vint a l’esprit qu’il voudrait bien revoir son pere. Sa colere avait du s’apaiser et avec la «petite-table-mets-le-couvert», il l’accueillerait volontiers.
Il arriva que, sur le chemin de la maison, il entra un soir dans une auberge pleine de monde. On lui souhaita la bienvenue et on l’invita a prendre place parmi les hotes et a manger avec eux car on trouverait difficilement quelque chose pour lui tout seul.
– Non, repondit le menuisier, je ne veux pas vous prendre le pain de la bouche. Il vaut mieux que vous soyez mes hotes a moi.
Ils rirent et crurent qu’il plaisantait. Mais lui, pendant ce temps, avait installe sa table de bois au milieu de la salle et il dit:
– Petite table, mets le couvert!
Instantanement, elle se mit a porter des mets si delicats que l’aubergiste n’aurait pas pu en fournir de pareils. Et le fumet en chatouillait agreablement les narines des clients.
– Allez-y, chers amis, dit le menuisier.
Et quand les hotes virent que c’etait serieux, ils ne se le firent pas dire deux fois. Ils approcherent leurs chaises, sortirent leurs couteaux et y allerent de bon c?ur. Ce qui les etonnait le plus, c’etait que, lorsqu’un plat etait vide, un autre, bien rempli, prenait aussitot sa place.
L’aubergiste, dans un coin, regardait la scene. Il ne savait que dire. Mais il pensait: «Voila un cuisinier comme il m’en faudrait un!»
Le menuisier et toute la compagnie festoyerent gaiement jusque tard dans la nuit. Finalement, ils allerent se coucher. Le jeune compagnon se mit egalement au lit et placa sa table miraculeuse contre le mur. Mais des tas d’idees trottaient dans la tete de l’aubergiste. Il lui revint a l’esprit qu’il possedait dans un debarras une petite table qui ressemblait a celle du menuisier, comme une s?ur. Il la chercha en secret et en fit l’echange. Le lendemain matin, le jeune homme paya sa chambre, installa la petite table sur son dos, sans penser que ce n’etait plus la bonne, et reprit son chemin. A midi, il arriva chez son pere qui l’accueillit avec une grande joie.
– Alors, mon cher fils, qu’as-tu appris? lui demanda-t-il.
– Pere, je suis devenu menuisier.
– C’est un bon metier! retorqua le vieux.
– Mais que ramenes-tu de ton compagnonnage?
– Pere, le meilleur de ce que je ramene est une petite table.
Le pere l’examina sur toutes ses faces et dit:
– Tu n’as pas fabrique la un chef-d’?uvre. C’est une vieille et mechante petite table.
– Voire! C’est une table mysterieuse, magique, repondit le fils. Lorsque je l’installe et lui dis de mettre le couvert, les plus beaux plats s’y trouvent instantanement, avec le vin qui met du baume au c?ur. Tu n’as qu’a inviter tous tes parents et amis. Pour une fois, ils se delecteront et se regaleront car la petite table les rassasiera tous.
Quand tout le monde fut rassemble, il installa la petite table au milieu de la piece et dit:
– Petite table, mets le couvert!
Mais rien ne se produisit et la table resta aussi vide que n’importe quelle table qui n’entend pas la parole humaine. Alors le pauvre gars s’apercut qu’on lui avait echange sa table et il eut honte de passer pour un menteur. Les parents s e moquaient de lui et il leur fallut repartir chez eux, affames et assoiffes. Le pere reprit ses chiffons et se remit a coudre. Le fils trouva du travail chez un patron.
Le deuxieme fils etait arrive chez un meunier et il avait fait son apprentissage chez lui. Lorsque son temps fut passe, le patron lui dit:
– Puisque ta conduite a ete bonne, je te fais cadeau d’un ane d’une espece particuliere. Il ne tire pas de voiture et ne porte pas de sacs.
– A quoi peut-il bien servir dans ce cas? demanda le jeune compagnon.
– Il crache de l’or, repondit le meunier. Si tu le places sur un drap et que tu dis «BRICKLEBRIT», cette bonne bete crache des pieces d’or par devant et par derriere.
– Voila une bonne chose, dit le jeune homme.
Il remercia le meunier et partit de par le monde. Quand il avait besoin d’argent, il n’avait qu’a dire «BRICKLEBRIT «a son ane et il pleuvait des pieces d’or. Il n’avait plus que le mal de les ramasser. Ou qu’il arrivat, le meilleur n’etait jamais trop bon pour lui et plus cela coutait cher, mieux c’etait. Il avait toujours un sac plein de pieces a sa disposition. Apres avoir visite le monde un bout de temps, il pensa: «Il te faut partir a la recherche de ton pere! Quand tu arriveras avec l’ane a or, il oubliera sa colere et te recevra bien».
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