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Contes merveilleux, Tome II - Andersen Hans Christian - Страница 42


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Les petits vieux etaient si travailleurs, si assidus, qu'ils ne passaient pas une seule petite heure a somnoler. Le dimanche apres-midi, ils sortaient un livre, un recit de voyage de preference, et le veilleur de nuit lisait a haute voix les pages sur les forets vierges et les elephants sauvages qui courent a travers l'Afrique, et la vieille femme ecoutait avec beaucoup d'attention, jetant des coups d'oeil sur leurs elephants en terre qui servaient de pots de fleurs.

– C'est presque comme si j'y etais, disait-elle.

Et le reverbere souhaitait ardemment qu'il y eut une bougie de cire a portee de main et que quelqu'un songe a l'allumer et a la placer en lui, afin que la vieille femme puisse voir exactement tout comme le reverbere le voyait, les grands arbres aux branches enlacees les unes aux autres, les hommes a cheval, noirs et nus, et des troupeaux entiers d'elephants ecrasant les joncs et les broussailles.

– A quoi bon tous mes talents sans la moindre petite bougie de cire, soupirait le reverbere. Ils n'ont ici que de l'huile et une chandelle, cela ne suffit pas!

Un jour pourtant, un petit tas de restes de bougies apparut dans le petit appartement du sous-sol. Les plus grands bouts servaient a eclairer, les petits etaient utilises par la vieille femme pour cirer son fil a coudre. La bougie de cire existait donc bel et bien, mais personne n'eut l'idee d'en mettre ne serait-ce qu'un petit bout dans le reverbere.

– Et voila! Je suis ici avec mes talents rares, se lamenta doucement le reverbere, j'ai tant de choses en moi et je ne peux pas les partager avec eux. Je peux transformer leurs murs blancs en superbes tentures, en forets profondes, en tout ce qu'ils pourraient souhaiter… Et ils l'ignorent!

Le reverbere, propre et bien astique, etait dans un coin ou il se faisait toujours remarquer. Les gens disaient, il est vrai, que ce n'etait qu'une vieillerie a mettre au rancart, mais les vieux aimaient leur reverbere et laissaient les gens parler.

Un jour, le jour d'anniversaire du vieil homme, la vieille femme s'approcha du reverbere, sourit doucement et dit:

– Aujourd'hui je l'allumerai.

Le reverbere grinca de son couvercle car il se dit: Enfin, la lumiere leur vient!

Mais la veille femme ne lui donna pas de bougie, elle y versa de l'huile. Le reverbere brilla toute la soiree, mais il savait maintenant que le cadeau des etoiles, le plus magnifique de tous les cadeaux ne serait pour lui, dans cette vie-la, qu'un tresor perdu. Et soudain il reva que les petits vieux etaient morts et qu'on l'amenait dans une fonderie pour y etre fondu. Bien qu'il eut la faculte de s'effondrer en rouille et en poussiere quand il le voudrait, il ne le fit pas. Il arriva dans la fonderie et fut transforme en bougeoir en fer, le plus beau de tous les bougeoirs pour bougies de cire. Il avait la forme d'un ange portant un bouquet dans ses mains, et on placait la bougie de cire au milieu du bouquet. Il avait sa place sur un bureau vert, dans une chambre bien agreable. Il y avait de nombreux livres et de beaux tableaux sur les murs. C'etait la chambre d'un poete, et tout ce qu'il imaginait et ecrivait apparaissait tout autour. La chambre se transformait en foret sombre et profonde ou en pre ensoleille traverse gravement par une cigogne ou en pont d'un navire sur une mer agitee.

– Que j'ai de talents! s'etonna le vieux reverbere en se reveillant. J'aurais presque envie d'etre fondu! Mais non, cela ne doit pas arriver tant que les petits vieux sont de ce monde. Ils m'aiment tel que je suis. C'est comme si j'etais leur enfant, ils m'ont astique, m'ont donne de l'huile et j'ai ici une place aussi honorable que le Congres de Vienne, et il n'y a pas plus noble que lui.

Et depuis ce temps, il etait plus serein. Le vieux reverbere l'avait bien merite.

Le vilain petit canard

Comme il faisait bon dans la campagne! C'etait l'ete. Les bles etaient dores, l'avoine verte, les foins coupes embaumaient, ramasses en tas dans les prairies, et une cigogne marchait sur ses jambes rouges, si fines et si longues et claquait du bec en egyptien (sa mere lui avait appris cette langue-la).

Au-dela, des champs et des prairies s'etendaient, puis la foret aux grands arbres, aux lacs profonds.

En plein soleil, un vieux chateau s'elevait entoure de fosses, et au pied des murs poussaient des bardanes aux larges feuilles, si hautes que les petits enfants pouvaient se tenir tout debout sous elles. L'endroit etait aussi sauvage qu'une epaisse foret, et c'est la qu'une cane s'etait installee pour couver. Elle commencait a s'ennuyer beaucoup. C'etait bien long et les visites etaient rares les autres canards preferaient nager dans les fosses plutot que de s'installer sous les feuilles pour caqueter avec elle.

Enfin, un oeuf apres l'autre craqua. Pip, pip, tous les jaunes d'oeufs etaient vivants et sortaient la tete.

– Coin, coin, dit la cane, et les petits se degageaient de la coquille et regardaient de tous cotes sous les feuilles vertes. La mere les laissait ouvrir leurs yeux tres grands, car le vert est bon pour les yeux.

– Comme le monde est grand, disaient les petits.

Ils avaient bien sur beaucoup plus de place que dans l'oeuf.

– Croyez-vous que c'est la tout le grand monde? dit leur mere, il s'etend bien loin, de l'autre cote du jardin, jusqu'au champ du pasteur-mais je n'y suis jamais allee.

«Etes-vous bien la, tous?» Elle se dressa.» Non, le plus grand oeuf est encore tout entier. Combien de temps va-t-il encore falloir couver? J'en ai par-dessus la tete.»

Et elle se recoucha dessus.

– Eh bien! comment ca va? demanda une vieille cane qui venait enfin rendre visite.

– Ca dure et ca dure, avec ce dernier oeuf qui ne veut pas se briser. Mais regardez les autres, je n'ai jamais vu des canetons plus ravissants. Ils ressemblent tous a leur pere, ce coquin, qui ne vient meme pas me voir.

– Montre-moi cet oeuf qui ne veut pas craquer, dit la vieille. C'est, sans doute, un oeuf de dinde, j'y ai ete prise moi aussi une fois, et j'ai eu bien du mal avec celui-la. Il avait peur de l'eau et je ne pouvais pas obtenir qu'il y aille. J'avais beau courir et crier. Fais-moi voir. Oui, c'est un oeuf de dinde, surement. Laisse-le et apprends aux autres enfants a nager.

– Je veux tout de meme le couver encore un peu, dit la mere. Maintenant que j'y suis depuis longtemps.

– Fais comme tu veux, dit la vieille, et elle s'en alla.

Enfin, l'oeuf se brisa.

– Pip, pip, dit le petit en roulant dehors.

Il etait si grand et si laid que la cane etonnee, le regarda.

– En voila un enorme caneton, dit-elle, aucun des autres ne lui ressemble. Et si c'etait un dindonneau, eh bien, nous allons savoir ca au plus vite.

Le lendemain, il faisait un temps splendide. La cane avec toute la famille S'approcha du fosse. Plouf! elle sauta dans l'eau. Coin! coin! commanda-t-elle, et les canetons plongerent l'un apres l'autre, meme l'affreux gros gris.

– Non, ce n'est pas un dindonneau, s'exclama la mere. Voyez comme il sait se servir de ses pattes et comme il se tient droit. C'est mon petit a moi. Il est meme beau quand on le regarde bien. Coin! coin: venez avec moi, je vous conduirai dans le monde et vous presenterai a la cour des canards. Mais tenez-vous toujours pres de moi pour qu'on ne vous marche pas dessus, et mefiez-vous du chat.

Ils arriverent a l'etang des canards ou regnait un effroyable vacarme. Deux familles se disputaient une tete d'anguille. Ce fut le chat qui l'attrapa.

– Ainsi va le monde! dit la cane en se pourlechant le bec.

Elle aussi aurait volontiers mange la tete d'anguille.

– Jouez des pattes et tachez de vous depecher et courbez le cou devant la vieille cane, la-bas, elle est la plus importante de nous tous. Elle est de sang espagnol, c'est pourquoi elle est si grosse. Vous voyez qu'elle a un chiffon rouge a la patte, c'est la plus haute distinction pour un canard. Cela signifie qu'on ne veut pas la manger et que chacun doit y prendre garde. Ne mettez pas les pattes en dedans, un caneton bien eleve nage les pattes en dehors comme pere et mere. Maintenant, courbez le cou et faites coin!

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