Contes merveilleux, Tome II - Andersen Hans Christian - Страница 21
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Troisieme histoire Le jardin de la magicienne
Mais que disait la petite Gerda, maintenant que Kay n'etait plus la? Ou etait-il? Personne ne le savait, personne ne pouvait expliquer sa disparition. Les garcons savaient seulement qu'ils l'avaient vu attacher son petit traineau a un autre, tres grand, qui avait tourne dans la rue et etait sorti de la ville. Nul ne savait ou il etait, on versa des larmes, la petite Gerda pleura beaucoup et longtemps, ensuite on dit qu'il etait mort, qu'il etait tombe dans la riviere coulant pres de la ville. Les jours de cet hiver-la furent longs et sombres.
Enfin vint le printemps et le soleil.
– Kay est mort et disparu, disait la petite Gerda.
– Nous ne le croyons pas, repondaient les rayons du soleil.
– Il est mort et disparu, dit-elle aux hirondelles.
– Nous ne le croyons pas, repondaient-elles.
A la fin la petite Gerda ne le croyait pas non plus.
– Je vais mettre mes nouveaux souliers rouges, dit-elle un matin, ceux que Kay n'a jamais vus et je vais aller jusqu'a la riviere l'interroger.
Il etait de bonne heure, elle embrassa sa grand-mere qui dormait, mit ses souliers rouges et toute seule sortit par la porte de la ville, vers le fleuve.
– Est-il vrai que tu m'as pris mon petit camarade de jeu? Je te ferai cadeau de mes souliers rouges si tu me le rends.
Il lui sembla que les vagues lui faisaient signe, alors elle enleva ses souliers rouges, ceux auxquels elle tenait le plus, et les jeta tous les deux dans l'eau, mais ils tomberent tout pres du bord et les vagues les repousserent tout de suite vers elle, comme si la riviere ne voulait pas les accepter, puisqu'elle n'avait pas pris le petit Kay. Gerda crut qu'elle n'avait pas lance les souliers assez loin, alors elle grimpa dans un bateau qui etait la entre les roseaux, elle alla jusqu'au bout du bateau et jeta de nouveau ses souliers dans l'eau. Par malheur le bateau n'etait pas attache et dans le mouvement qu'elle fit il s'eloigna de la rive, elle s'en apercut aussitot et voulut retourner a terre, mais avant qu'elle n'y eut reussi, il etait deja loin sur l'eau et il s'eloignait de plus en plus vite.
Alors la petite Gerda fut prise d'une grande frayeur et se mit a pleurer, mais personne ne pouvait l'entendre, excepte les moineaux, et ils ne pouvaient pas la porter, ils volaient seulement le long de la rive, en chantant comme pour la consoler: «Nous voici! Nous voici!» Le bateau s'en allait a la derive, la pauvre petite etait la tout immobile sur ses bas, les petits souliers rouges flottaient derriere mais ne pouvaient atteindre la barque qui allait plus vite.
«Peut-etre la riviere va-t-elle m'emporter aupres de Kay», pensa Gerda en reprenant courage. Elle se leva et durant des heures admira la beaute des rives verdoyantes. Elle arriva ainsi a un grand champ de cerisiers ou se trouvait une petite maison avec de droles de fenetres rouges et bleues et un toit de chaume. Devant elle, deux soldats de bois presentaient les armes a ceux qui passaient. Gerda les appela croyant qu'ils etaient vivants, mais naturellement ils ne repondirent pas, elle les approcha de tout pres et le flot poussa la barque droit vers la terre.
Gerda appela encore plus fort, alors sortit de la maison une vieille, vieille femme qui s'appuyait sur un baton a crochet, elle portait un grand chapeau de soleil orne de ravissantes fleurs peintes.
– Pauvre petite enfant, dit la vieille, comment es-tu venue sur ce fort courant qui t'emporte loin dans le vaste monde?
La vieille femme entra dans l'eau, accrocha le bateau avec le crochet de son baton, le tira a la rive et en fit sortir la petite fille.
Gerda etait bien contente de toucher le sol sec mais un peu effrayee par cette vieille femme inconnue.
– Viens me raconter qui tu es et comment tu es ici, disait-elle.
La petite lui expliqua tout et la vieille branlait la tete en faisant Hm! Hm! et comme Gerda, lui ayant tout dit, lui demandait si elle n'avait pas vu le petit Kay, la femme lui repondit qu'il n'avait pas passe encore, mais qu'il allait sans doute venir, qu'il ne fallait en tout cas pas qu'elle s'en attriste mais qu'elle entre gouter ses confitures de cerises, admirer ses fleurs plus belles que celles d'un livre d'images; chacune d'elles savait raconter une histoire.
Alors elle prit Gerda par la main et elles entrerent dans la petite maison dont la vieille femme ferma la porte.
Les fenetres etaient situees tres haut et les vitres en etaient rouges, bleues et jaunes, la lumiere du jour y prenait des teintes etranges mais sur la table il y avait de delicieuses cerises. Gerda en mangea autant qu'il lui plut. Tandis qu'elle mangeait, la vieille peignait sa chevelure avec un peigne d'or et ses cheveux blonds bouclaient et brillaient autour de son aimable petit visage, tout rond, semblable a une rose.
– J'avais tant envie d'avoir une si jolie petite fille, dit la vieille, tu vas voir comme nous allons bien nous entendre!
A mesure qu'elle peignait les cheveux de Gerda, la petite oubliait de plus en plus son camarade de jeu, car la vieille etait une magicienne, mais pas une mechante sorciere, elle s'occupait un peu de magie, comme ca, seulement pour son plaisir personnel et elle avait tres envie de garder la petite fille aupres d'elle.
C'est pourquoi elle sortit dans le jardin, tendit sa canne a crochet vers tous les rosiers et, quoique charges des fleurs les plus ravissantes, ils disparurent dans la terre noire, on ne voyait meme plus ou ils avaient ete. La vieille femme avait peur que Gerda, en voyant les roses, ne vint a se souvenir de son rosier a elle, de son petit camarade Kay et qu'elle ne s'enfuie.
Ensuite, elle conduisit Gerda dans le jardin fleuri. Oh! quel parfum delicieux! Toutes les fleurs et les fleurs de toutes les saisons etaient la dans leur plus belle floraison, nul livre d'images n'aurait pu etre plus varie et plus beau. Gerda sauta de plaisir et joua jusqu'au moment ou le soleil descendit derriere les grands cerisiers. Alors on la mit dans un lit delicieux garni d'edredons de soie rouge bourres de violettes bleues, et elle dormit et reva comme une princesse au jour de ses noces.
Le lendemain elle joua encore parmi les fleurs, dans le soleil-et les jours passerent. Gerda connaissait toutes les fleurs par leur nom, il y en avait tant et tant et cependant il lui semblait qu'il en manquait une, laquelle? Elle ne le savait pas.
Un jour elle etait la, assise, et regardait le chapeau de soleil de la vieille femme avec les fleurs peintes ou justement la plus belle fleur etait une rose. La sorciere avait tout a fait oublie de la faire disparaitre de son chapeau en meme temps qu'elle faisait descendre dans la terre les vraies roses. On ne pense jamais a tout!
– Comment, s'ecria Gerda, il n'y pas une seule rose ici? Elle sauta au milieu de tous les parterres, chercha et chercha, mais n'en trouva aucune. Alors elle s'assit sur le sol et pleura, mais ses chaudes larmes tomberent precisement a un endroit ou un rosier s'etait enfonce, et lorsque les larmes mouillerent la terre, l'arbre reparut soudain plus magnifiquement fleuri qu'auparavant. Gerda l'entoura de ses bras et pensa tout d'un coup a ses propres roses de chez elle et a son petit ami Kay.
– Oh comme on m'a retardee, dit la petite fille. Et je devais chercher Kay! Ne savez-vous pas ou il est? demanda-t-elle aux roses. Croyez-vous vraiment qu'il soit mort et disparu?
– Non, il n'est pas mort, repondirent les roses, nous avons ete sous la terre, tous les morts y sont et Kay n'y etait pas!
– Merci, merci a vous, dit Gerda allant vers les autres fleurs. Elle regarda dans leur calice en demandant:
– Ne savez-vous pas ou se trouve le petit Kay?
Mais chaque fleur debout au soleil revait sa propre histoire, Gerda en entendit tant et tant, aucune ne parlait de Kay.
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