Contes merveilleux, Tome I - Andersen Hans Christian - Страница 45
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Une semaine du petit elfe Ferme-l'oeil
Dans le monde entier, il n'est personne qui sache autant d'histoires que Ole Ferme-l'oeil. Lui, il sait raconter…
Vers le soir, quand les enfants sont assis sagement a table ou sur leur petit tabouret, Ole Ferme-l'oeil arrive, il monte sans bruit l'escalier -il marche sur ses bas-il ouvre doucement la porte et pfutt! il jette du lait doux dans les yeux des enfants, un peu seulement, mais assez cependant pour qu'ils ne puissent plus tenir les yeux ouverts ni par consequent le voir; il se glisse juste derriere eux et leur souffle dans la nuque, alors leur tete devient lourde, lourde-mais ca ne fait aucun mal, car Ole Ferme-l'oeil ne veut que du bien aux enfants-il veut seulement qu'ils se tiennent tranquilles, et ils le sont surtout quand on les a mis au lit.
Quand les enfants dorment, Ole Ferme-l'oeil s'assied sur leur lit. Il est bien habille, son habit est de soie, mais il est impossible d'en dire la couleur, il semble vert, rouge ou bleu selon qu'il se tourne, il tient un parapluie sous chaque bras, l'un decore d'images et celui-la il l'ouvre au-dessus des enfants sages qui revent alors toute la nuit des histoires ravissantes, et sur l'autre parapluie il n'y a rien. Il l'ouvre au-dessus des enfants mechants, alors ils dorment si lourdement que le matin en s'eveillant ils n'ont rien reve du tout.
Et maintenant nous allons vous dire comment Ole Ferme-l'oeil, durant toute une semaine, vint tous les soirs chez un petit garcon qui s'appelait Hjalmar. Cela fait en tout sept histoires puisqu'il y a sept jours dans la semaine.
Lundi
– Ecoute un peu, dit Ole Ferme-l'oeil le soir lorsqu'il eut mis Hjalmar au lit, maintenant je vais decorer ta chambre. Et voila que toutes les fleurs en pots devinrent de grands arbres etendant leurs branches jusqu'au plafond et le long des murs, de sorte que la piece avait l'air d'une jolie tonnelle. Toutes les branches etaient couvertes de fleurs chacune plus belle qu'une rose embaumant delicieusement, et s'il vous prenait envie de la manger, elle etait plus sucree que de la confiture. Les fruits brillaient comme de l'or et il y avait aussi des petits pains mollets, bourres de raisins, c'etait merveilleux. Mais tout a coup, des gemissements lamentables se firent entendre dans le tiroir de la table ou Hjalmar rangeait ses livres de classe.
– Qu'est-ce que c'est? dit Ole.
Il alla vers la table, ouvrit le tiroir. C'etait l'ardoise qui se trouvait mal parce qu'un chiffre faux s'etait introduit dans le calcul, le crayon d'ardoise sautait et s'agitait au bout de sa ficelle comme s'il etait un petit chien, il aurait voulu corriger le calcul mais il n'y arrivait pas. Et puis il y avait le cahier d'ecriture de Hjalmar, il se lamentait en dedans que ca faisait mal de l'entendre! Sur chaque page il y avait des lettres majuscules modeles, chacune avec une petite lettre a cote d'elle formant une rangee modele du haut en bas, et a cote de celles-la, il y en avait qui croyaient etre semblables aux modeles, c'etaient celles que Hjalmar avait ecrites, celles-la allaient tout de travers comme si elles avaient trebuche sur le trait de crayon ou elles auraient du se poser.
– Regardez! Voila comment il faut vous tenir, disait le modele, comme ca, a cote de moi, d'un seul trait.
– Oh! nous voudrions bien, disaient les lettres de Hjalmar, mais nous n'y arrivons pas, nous sommes tres malades.
– Alors, il faut vous purger, disait Ole Ferme-l'oeil.
– Oh! non, non, criaient-elles.
Et les voila debout toutes droites que c'en etait un plaisir de les voir.
– Mais maintenant nous n'allons pas raconter d'histoire, dit Ole Ferme-l'oeil. Il faut que je leur fasse faire l'exercice!
Un deux, un deux! il fit faire l'exercice aux lettres. Elles se tenaient aussi droites, etaient aussi bien constituees que n'importe quel modele, mais une fois Ole Ferme-l'oeil parti, quand Hjalmar alla les voir, elles etaient aussi lamentables qu'auparavant.
Mardi
Aussitot que Hjalmar fut au lit, Ole Ferme-l'oeil toucha de sa petite seringue magique tous les meubles de la chambre, aussitot ils se mirent tous a bavarder, mais ils ne parlaient que d'eux-memes, sauf le crachoir qui restait muet mais s'irritait de les voir si vaniteux, ne s'occupant que d'eux memes, ne pensant qu'a eux-memes et n'ayant pas la plus petite pensee pour lui qui, modestement, restait dans son coin et tolerait qu'on lui crache dessus.
Au-dessus de la commode etait suspendue une grande peinture dans un cadre dore, on y voyait un paysage avec de grands vieux arbres, des fleurs dans l'herbe, une piece d'eau et une riviere qui coulait derriere le bois, passait devant de nombreux chateaux et se jetait au loin dans la mer libre.
Ole Ferme-l'oeil toucha le tableau de sa seringue, alors les oiseaux peints commencerent a chanter, les branches des arbres ondulerent et les nuages coururent dans le ciel, on pouvait voir leur ombre se deplacer sur le paysage.
Ole Ferme-l'oeil souleva Hjalmar jusqu'au cadre et le petit garcon posa ses jambes dans la peinture et le voila debout dans l'herbe haute, le soleil brillait sur lui a travers la ramure.
Il courut jusqu'a l'eau, s'assit dans la barque peinte en rouge et blanc, les voiles brillaient comme de l'argent et six cygnes portant chacun un collier d'or autour du cou et une etoile bleue etincelante sur la tete, tiraient le bateau au long de la verte foret ou les arbres parlaient de brigands et de sorcieres et les fleurs de ravissants petits elfes et de ce que les papillons leur avaient raconte.
De beaux poissons aux ecailles d'or et d'argent nageaient derriere la barque, de temps en temps ils faisaient un saut et l'eau clapotait, les oiseaux rouges et blancs, grands et petits, volaient derriere en deux longues rangees, les moustiques dansaient, les hannetons bourdonnaient, ils voulaient tous accompagner Hjalmar et ils avaient tous une histoire a raconter.
Ah! ce fut une belle promenade en bateau! Par moments, les bois etaient epais et sombres, puis ils devenaient des jardins ensoleilles et fleuris, avec de grands chateaux de cristal et de marbre. Sur les balcons se tenaient des princesses qui etaient toutes des petites filles connues de Hjalmar avec lesquelles il avait deja joue. Elles etendaient la main et tendaient chacune le petit cochon de sucre le plus exquis qu'aucun confiseur n'eut jamais vendu. Hjalmar au passage saisissait par un bout le petit cochon, la petite fille tenait ferme de l'autre, en sorte que chacun en avait un morceau, elle le plus petit, Hjalmar de beaucoup le plus gros.
Devant chaque chateau de petits princes montaient la garde, ils portaient armes avec des sabres d'or et faisaient pleuvoir des raisins secs et des soldats de plomb. C'etaient de veritables princes!
Hjalmar naviguait tantot a travers des forets, tantot a travers d'immenses salles ou a travers une ville. Il lui arriva meme de traverser la ville ou habitait sa bonne d'enfant, celle qui le portait dans ses bras quand il etait tout petit et qui l'aimait tant. Elle lui fit des signes et lui sourit et chanta cet air charmant qu'elle avait, elle-meme, compose pour lui:
Je pense a toi a toute heure Mon cher petit Hjalmar cheri. C'est moi qui baisais ta petite bouche Et aussi ton front, tes joues vermeilles. Je t'ai entendu dire tes premiers mots Et puis il a fallu te quitter. Que Notre-Seigneur te benisse ici-bas Mon bel ange descendu des cieux.
Tous les oiseaux chantaient avec elle, les fleurs dansaient sur leur tige et les vieux arbres dodelinaient de la tete comme si Ole Ferme-l'oeil eut aussi, pour eux, raconte cette histoire.
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