Contes merveilleux, Tome I - Andersen Hans Christian - Страница 32
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– Il se peut du reste que les fleurs du jardin botanique n'aient jamais ete au chateau du roi, ni meme qu'elles sachent combien les fetes y sont gaies.
– Et je vais te dire quelque chose qui etonnerait bien le professeur de botanique qui habite a cote (tu le connais). Quand tu iras dans son jardin, tu raconteras a une des fleurs qu'il y a grand bal au chateau la nuit, elle le repetera a toutes les autres et elles s'envoleront. Si le professeur descend ensuite dans son jardin, il ne trouvera plus une fleur et il ne pourra comprendre ce qu'elles sont devenues!
– Mais comment une fleur peut-elle le dire aux autres fleurs? Elles ne savent pas parler.
– Evidemment, dit l'etudiant, mais elles font de la pantomime! N'as-tu pas remarque quand le vent souffle un peu comme les fleurs inclinent la tete et agitent leurs feuilles vertes? C'est aussi expressif que si elles parlaient.
– Est-ce que le professeur comprend la pantomime? demanda Ida.
– Bien sur. Un matin, comme il descendait dans son jardin, il vit une ortie qui faisait de la pantomime avec ses feuilles a un ravissant oeillet rouge. Elle disait: «Tu es si joli, et je t'aime tant!» Mais le professeur n'aime pas cela du tout, il donna aussitot une grande tape a l'ortie sur les feuilles qui sont ses doigts, mais ca l'a terriblement brule et depuis il n'ose plus jamais toucher a l'ortie.
– C'est amusant, dit la petite Ida en riant.
– Comment peut-on raconter de telles balivernes, dit le conseiller de chancellerie venu en visite et qui etait assis sur le sofa. Il n'aimait pas du tout l'etudiant et grognait tout le temps quand il le voyait decouper des images si amusantes: un homme pendu a une potence et tenant un coeur a la main, car il avait vole bien des coeurs.
Le conseiller n'appreciait pas du tout cela et il disait comme maintenant: «Comment peut-on mettre des balivernes pareilles dans la tete d'un enfant? Quelles inventions stupides!»
Mais la petite Ida trouvait tres amusant ce que l'etudiant racontait et elle y pensait beaucoup.
La tete des fleurs pendait parce qu'elles etaient fatiguees d'avoir danse toute la nuit, elles etaient certainement malades. Elle les apporta pres de ses autres jouets etales sur une jolie table, dont le tiroir etait plein de tresors. Dans le petit lit etait couchee sa poupee Sophie qui dormait, mais Ida lui dit: «Il faut absolument te lever, Sophie, et te contenter du tiroir pour cette nuit; ces pauvres fleurs sont malades, et si elles couchent dans ton lit, peut-etre qu'elles gueriront!» Elle fit lever la poupee qui avait un air reveche et ne dit pas un mot, elle etait fachee de preter son lit.
Ida coucha les fleurs dans le lit de poupee, tira la petite couverture sur elles jusqu'en haut et leur dit de rester bien sagement tranquilles, qu'elle allait leur faire du the afin qu'elles guerissent et puissent se lever le lendemain. Elle tira les rideaux autour du petit lit pour que le soleil ne leur vint pas dans les yeux.
Toute la soiree, elle ne put s'empecher de penser a ce que l'etudiant lui avait raconte et quand vint l'heure d'aller elle-meme au lit, elle courut d'abord derriere les rideaux des fenetres dans l'embrasure desquelles se trouvaient, sur une planche, les ravissantes fleurs de sa mere, des jacinthes et des tulipes, et elle murmura tout bas: «Je sais bien que vous devez aller au bal!»
Les fleurs firent semblant de ne rien entendre.
La petite Ida savait pourtant ce qu'elle savait…
Lorsqu'elle fut dans son lit, elle resta longtemps a penser. Comme ce serait plaisant de voir danser ces jolies fleurs la-bas, dans le chateau du roi.
– Est-ce que vraiment mes fleurs y sont allees?
La-dessus, elle s'endormit.
Elle se reveilla au milieu de la nuit; elle avait reve de fleurs et de l'etudiant que le conseiller grondait et accusait de lui mettre des idees stupides et folles dans la tete.
Le silence etait complet dans la chambre d'Ida, la veilleuse brulait sur la table, son pere et sa mere dormaient.
Mes fleurs sont-elles encore couchees dans le lit de Sophie? se dit-elle. Elle se souleva un peu et jeta un coup d'oeil vers la porte entrebaillee. Elle tendit l'oreille et il lui sembla entendre que l'on jouait du piano dans la piece a cote, mais tout doucement. Jamais elle n'avait entendu une musique aussi delicate.
– Toutes les fleurs doivent danser maintenant! dit-elle. Mon Dieu! que je voudrais les voir! Mais elle n'osait se lever.
«Si seulement elles voulaient entrer ici», se dit-elle.
Mais les fleurs ne venaient pas et la musique continuait a jouer, si legerement. A la fin, elle n'y tint plus, c'etait trop delicieux, elle se glissa hors de son petit lit et alla tout doucement jusqu'a la porte jeter un coup d'oeil.
Il n'y avait pas du tout de veilleuse dans cette piece, mais il y faisait tout a fait clair, la lune brillait a travers la fenetre et eclairait juste le milieu du parquet. Toutes les jacinthes et les tulipes se tenaient debout en deux rangs, il n'y en avait plus du tout dans l'embrasure de la fenetre ou ne restaient que les pots vides. Sur le parquet, les fleurs dansaient gracieusement.
Un grand lis rouge etait assis au piano. Ida etait sure de l'avoir vu cet ete car elle se rappelait que l'etudiant avait dit: «Oh! comme il ressemble a Mademoiselle Line!» et tout le monde s'etait moque de lui. Maintenant Ida trouvait que la longue fleur ressemblait vraiment a cette demoiselle, et elle jouait tout a fait de la meme facon qu'elle.
Puis elle vit un grand crocus bleu sauter juste au milieu de la table ou se trouvaient les jouets. Il alla droit vers le lit des poupees et en tira les rideaux. Les fleurs malades y etaient couchees mais elles se leverent immediatement et firent signe aux autres en bas qu'elles aussi voulaient danser.
Ida eut l'impression que quelque chose etait tombe de la table. Elle regarda de ce cote et vit que c'etait la verge de la Mi-Careme qui avait saute par terre. Ne croyait-elle pas etre aussi une fleur?
Il etait tres joli, apres tout, ce martinet. A son sommet etait une petite poupee de cire qui avait sur la tete un large chapeau.
La verge de la Mi-Careme sauta sur ses trois jambes de bois rouge, en plein milieu des fleurs. Elle se mit a taper tres fort des pieds car elle dansait la mazurka, et cette danse-la, les autres fleurs ne la connaissaient pas.
Tout a coup, la poupee de cire du petit fouet de la Mi-Careme devint grande longue, elle tourbillonna autour des fleurs de papier et cria tres haut: «Peut-on mettre des betises pareilles dans la tete d'un enfant! Ce sont des inventions stupides!» Et alors, elle ressemblait exactement au conseiller de la chancellerie, avec son large chapeau, elle aussi etait jaune et aussi grognon. Les fleurs en papier lui donnerent des coups sur ses maigres jambes et elle se ratatina de nouveau et redevint une petite poupee de cire.
Le fouet de la Mi-Careme continuait a danser et le conseiller etait oblige de danser avec. Il n'y avait rien a faire: il se faisait grand et long et tout d'un coup redevenait la petite poupee de cire jaune au grand chapeau noir.
Les fleurs prierent alors le martinet de s'arreter, surtout celles qui avaient couche dans le lit de poupee, et cette danse cessa.
Mais voila qu'on entendit des coups violents frappes a l'interieur du tiroir ou gisait Sophie, la poupee d'Ida, au milieu de tant d'autres jouets. Le casse-noix courut jusqu'au bord de la table, s'allongea de tout son long sur le ventre et reussit a tirer un petit peu le tiroir. Alors Sophie se leva et regarda autour d'elle d'un air etonne.
– Il y a donc bal ici, dit-elle. Pourquoi ne me l'a-t-on pas dit?
– Veux-tu danser avec moi? dit le casse-noix.
– Ah! bien oui! tu serais un beau danseur!
Et elle lui tourna le dos. Elle s'assit sur le tiroir et se dit que l'une des fleurs viendrait l'inviter, mais il n'en fut rien: alors elle toussa, hm, hm, hm, mais personne ne vint.
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