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Contes merveilleux, Tome I - Andersen Hans Christian - Страница 18


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– Renonce, disait-il, ca tournera mal pour toi comme pour tous les autres. Viens voir ici.

Il conduisit le jeune homme dans le jardin de la princesse, absolument terrifiant. Dans les branches des arbres pendaient trois, quatre fils de rois qui avaient sollicite la main de la princesse mais n'avaient pu resoudre l'enigme qu'elle leur proposait. Chaque fois que le vent soufflait, leurs squelettes s'entrechoquaient et les petits oiseaux epouvantes n'osaient plus venir la, des ossements humains servaient de tuteurs pour les fleurs et, dans tous les pots, grimacaient des tetes de morts. Quel jardin pour une princesse!

– Tu vois, dit le vieux roi, il en ira de toi comme des autres, maintenant que tu sais, abandonne! Tu me rends vraiment malheureux, tout ceci me fend le coeur.

Johannes baisa la main du vieux roi affirmant que tout irait bien puisqu'il etait si amoureux de la ravissante princesse.

A ce moment, la princesse a cheval, suivie de ses dames d'honneur, entra dans la cour du chateau. Ils allerent donc au-devant d'elle pour la saluer. Charmante, elle tendit la main au jeune homme qui l'en aima encore davantage. Bien sur il etait impossible qu'elle fut une sorciere vilaine et mechante ce dont tout le monde l'accusait.

Ils monterent dans le grand salon, de petits pages offrirent des confitures et des croquignoles, mais le vieux roi etait si triste qu'il ne pouvait rien manger. Il fut alors decide que Johannes monterait au chateau le lendemain matin, les juges et tout le conseil y siegeraient et entendraient comment il se tirerait de l'epreuve. S'il en triomphait, il lui faudrait revenir deux fois, mais personne encore n'avait donne de reponse a la premiere question, c'est pourquoi ils avaient tous perdu la vie. Johannes n'etait nullement inquiet de ce qu'il lui arriverait, il etait au contraire joyeux, ne pensait qu'a la belle princesse et demeurait convaincu que le bon Dieu l'aiderait. Comment? Il n'en avait aucune idee et, de plus, ne voulait pas y penser. Il dansait tout au long de la route en retournant a l'auberge ou l'attendait son camarade.

La, il ne tarit pas sur la facon charmante dont la princesse l'avait recu et sur sa beaute. Il avait hate d'etre au lendemain, de monter au chateau, de tenter sa chance. Mais son camarade hochait la tete tout triste.

– J'ai tant d'amitie pour toi, disait-il, nous aurions pu rester ensemble longtemps encore et il me faut deja te perdre. Pauvre cher garcon. J'ai envie de pleurer mais je ne veux pas troubler ta joie en cette derniere soiree qui nous reste. Soyons gais, tres gais, demain quand tu seras parti, je pourrai pleurer.

Dans la ville, le peuple avait tres vite appris qu'il y avait un nouveau pretendant et il y regnait une grande desolation.

Le theatre etait ferme, dans les patisseries on avait noue un crepe noir autour des petits cochons en sucre, le roi et les pretres etaient a genoux dans l'eglise.

Le soir, le compagnon de route prepara un grand bol de punch et dit a son ami que maintenant il fallait etre tres gai et boire a la sante de la princesse. Quand Johannes eut bu les deux verres de punch, il fut pris d'un grand sommeil. Son camarade le prit doucement sur sa chaise et le porta au lit, puis il prit les grandes ailes qu'il avait coupees au cygne, les fixa fermement a ses epaules, mit dans sa poche la plus grande des verges que lui avait donnees la vieille femme a la jambe cassee, ouvrit la fenetre et s'envola par-dessus la ville, tout droit au chateau.

Le silence regnait sur la ville. Quand l'horloge sonna minuit moins le quart, la fenetre s'ouvrit et la princesse s'envola en grande cape blanche avec de longues ailes noires par-dessus la ville, vers une haute montagne. Le camarade de route se rendit invisible de sorte qu'elle ne pouvait pas du tout le voir, il vola derriere elle et la fouetta jusqu'au sang tout au long de la route. Quelle course a travers les airs! Le vent s'engouffrait dans sa cape qui s'etalait de tous cotes.

– Quelle grele! Quelle grele! soupirait la princesse a chaque coup de fouet qu'elle recevait. Mais c'etait bien fait pour elle.

Elle atteignit enfin la montagne et frappa. Un roulement de tonnerre se fit entendre quand la montagne s'ouvrit et la princesse entra suivie du compagnon que personne ne pouvait voir puisqu'il etait invisible. Ils traverserent un long corridor aux murs etincelant etrangement. C'etaient des milliers d'araignees phosphorescentes. Ils arriverent ensuite dans une grande salle construite d'argent et d'or, des fleurs rouges et bleues larges comme des tournesols flamboyaient sur les murs, mais on ne pouvait pas les cueillir car leurs tiges etaient d'ignobles serpents venimeux et les fleurs du feu sortaient de leurs gueules.

Tout le plafond etait tapisse de vers luisants et de chauves-souris bleu de ciel qui battaient de leurs ailes translucides. L'aspect en etait fantastique.

Au milieu du parquet un trone etait place, porte par quatre squelettes de chevaux dont les harnais etaient faits d'araignees rouge feu. Le trone lui-meme etait de verre tres blanc, les coussins pour s'y asseoir de petites souris noires se mordant l'une l'autre la queue et, au-dessus un dais de toiles d'araignees roses s'ornait de jolies petites mouches vertes scintillant comme des pierres precieuses. Un vieux sorcier, couronne d'or sur sa vilaine tete et sceptre en main, etait assis sur le trone. Il baisa la princesse au front, la fit asseoir aupres de lui sur ce siege precieux, et la musique commenca.

De grosses sauterelles noires jouaient de la guimbarde et le hibou n'ayant pas de tambour se tapait sur le ventre. Drole de concert! De tout petits lutins, un feu follet a leur bonnet, dansaient la ronde dans la salle, personne ne pouvait voir le compagnon de route place derriere le trone qui, lui, voyait et entendait tout. Les courtisans qui entraient maintenant semblaient gens convenables et distingues mais pour celui qui savait regarder, il voyait bien ce qu'ils etaient vraiment: des manches a balai surmontes de tetes de choux auxquels la magie avait donne la vie et des vetements richement brodes. Cela n'avait du reste aucune importance, ils etaient la pour le decor.

Lorsqu'on eut un peu danse, la princesse raconta au sorcier qu'elle avait un nouveau pretendant. Que devait-elle demander de deviner?

– Ecoute, fit le sorcier, je vais te dire: tu vas prendre quelque chose de tres facile, alors il n'en aura pas l'idee. Pense a l'un de tes souliers, il ne devinera jamais, tu lui feras couper la tete, mais n'oublie pas, en revenant demain, de m'apporter ses yeux, je veux les manger.

La princesse fit une profonde reverence et promit de ne pas oublier les yeux. Alors le sorcier ouvrit la montagne et elle s'envola. Mais le compagnon de route suivait et il la fouettait si vigoureusement qu'elle soupirait et se lamentait tout haut sur cette affreuse grele, elle se depecha tant qu'elle put rentrer par la fenetre dans sa chambre a coucher. Quant au camarade, il vola jusqu'a l'auberge ou Johannes dormait encore, detacha ses ailes et se jeta sur son lit.

Johannes s'eveilla de bonne heure le lendemain matin, son ami se leva egalement et raconta qu'il avait fait la nuit un reve bien singulier a propos de la princesse et de l'un de ses souliers. C'est pourquoi il le priait instamment de repondre a la question de la princesse en lui demandant si elle n'avait pas pense a l'un de ses souliers.

– Autant ca qu'autre chose, fit Johannes. Tu as peut-etre reve juste. En tout cas j'espere toujours que le bon Dieu m'aidera. Je vais tout de meme te dire adieu car si je reponds de travers, je ne te reverrai plus jamais.

Tous deux s'embrasserent et Johannes partit a la ville, monta au chateau. La grande salle etait comble. Le vieux roi, debout, s'essuyait les yeux dans un mouchoir blanc. Lorsque la princesse fit son entree, elle etait encore plus belle que la veille et elle salua toute l'assemblee si affectueusement, mais a Johannes elle tendit la main en lui disant seulement: «Bonjour, toi!»

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