Contes merveilleux, Tome I - Andersen Hans Christian - Страница 13
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«O surprise! o surprise agreable! s'ecria le papier, je suis plus fin qu'autrefois, et l'on va me charger d'ecritures. Que n'ecrira-t-on pas sur moi? Ma chance est sans egale.»
Et l'on y ecrivit les plus belles histoires, qui furent lues devant de nombreux auditeurs et les rendirent plus sages. C'etait un grand bienfait pour le papier que cette ecriture.
«Voila certes plus que je n'y ai reve lorsque je portais mes petites fleurs bleues dans les champs. Comment deviner que je servirais un jour a faire la joie et l'instruction des hommes? je n'y comprends vraiment rien, et c'est pourtant la verite. Dieu sait si j'ai jamais rien entrepris: je me suis contente de vivre, et voila que de degres en degres il m'a eleve a la plus grande gloire. Toutes les fois que je songe au refrain menacant: «C'est fini! C'est fini!» Tout prend au contraire un aspect plus beau, plus radieux. Sans doute je vais voyager, je vais parcourir le monde entier pour que tous les hommes puissent me lire! Autrefois je portais de petites fleurs bleues; mes fleurs maintenant sont de sublimes pensees. Je suis heureux, incomparablement heureux.»
Mais le papier n'alla pas en voyage, il fut remis a l'imprimeur, et tout ce qu'il portait d'ecrit fut imprime pour faire un livre, des centaines de livres qui devaient etre une source de joie et de profit pour une infinite de personnes. Notre morceau de papier n'aurait pas rendu le meme service, meme en faisant le tour du monde. A moitie route il aurait ete use.
«C'est tres juste, ma foi!» dit le papier; «Je n'y avais pas pense. Je reste a la maison et j'y suis honore comme un vieux grand-pere! C'est moi qui ai recu l'ecriture, les mots ont decoule directement de la plume sur moi, je reste a ma place, et les livres vont par le monde; leur tache est belle assurement, et moi je suis content, je suis heureux!»
Le papier fut mis dans un paquet et jete sur une planche.»Il est bon de se reposer apres le travail, pensa-t-il. C'est en se recueillant de la sorte que l'on apprend a se connaitre. D'aujourd'hui seulement je sais ce que je contiens, et se connaitre soi-meme, voila le veritable progres. Que m'arrivera-t-il encore? Je vais sans nul doute avancer, on avance toujours.»
Quelque temps apres, le papier fut mis sur la cheminee pour etre brule, car on ne voulait pas le vendre au charcutier ou a l'epicier pour habiller des saucissons ou du sucre. Et tous les enfants de la maison se mirent a l'entourer; ils voulaient le voir flamber, et voir aussi, apres la flamme, ces milliers d'etincelles rouges qui ont l'air de se sauver et s'eteignent si vite l'une apres l'autre. Tout le paquet de papier fut jete dans le feu.
Oh! Comme il brulait! Ouf! Ce n'est plus qu'une grande flamme. Elle s'elevait la flamme, tellement, tellement que jamais le chanvre n'avait porte si haut ses petites fleurs bleues; elle brillait comme jamais la toile blanche n'avait brille. Toutes les lettres, pendant un instant, devinrent toutes rouges. Tous les mots, toutes les pensees s'en allerent en langues de feu.
«Je vais monter directement jusqu'au soleil,» disait une voix dans la flamme, et on eut dit mille voix reunies en une seule. La flamme sortit par le haut de la cheminee, et au milieu d'elle voltigeaient de petits etres invisibles a l'oeil des hommes. Ils egalaient justement en nombre les fleurs qu'avait portees le chanvre. Plus legers que la flamme qui les avait fait naitre, quand celle-ci fut dissipee, quand il ne resta plus du papier que la cendre noire, ils dansaient encore sur cette cendre, et formaient en l'effleurant des etincelles rouges.
Les enfants de la maison chantaient autour de la cendre inanimee:
Cric, crac! Cric, crac! Crac!
C'est fini! C'est fini! C'est fini!
Mais chacun des petits etres disait: «Non, ce n'est pas fini; voici precisement le plus beau de l'histoire! Je le sais, et je suis bien heureux.»
Les enfants ne purent ni entendre ni comprendre ces paroles; du reste, ils n'en avaient pas besoin: les enfants ne doivent pas tout savoir.
Cinq dans une cosse de pois
Il y avait cinq petits pois dans une cosse, ils etaient verts, la cosse etait verte, ils croyaient que le monde entier etait vert et c'etait bien vrai pour eux!
La cosse poussait, les pois grandissaient, se conformant a la taille de leur appartement, ils se tenaient droit dans le rang…
Le soleil brillait et chauffait la cosse, la pluie l'eclaircissant, il y faisait tiede et agreable, clair le jour, sombre la nuit comme il sied, les pois devenaient toujours plus grands et plus reflechis, assis la en rang, il fallait bien qu'ils s'occupent.
– Me faudra-t-il toujours rester fixe ici? disaient-ils tous, pourvu que ce ne soit pas trop long, que je ne durcisse pas. N'y a-t-il pas au-dehors quelque chose, j'en ai comme un pressentiment.
Les semaines passerent, les pois jaunirent, les cosses jaunirent.
– Le monde entier jaunit, disaient-ils.
Et ca, ils pouvaient le dire.
Soudain, il y eut une secousse sur la cosse, quelqu'un l'arrachait et la mettait dans une poche de veste avec plusieurs autres cosses pleines.
– On va ouvrir bientot, pensaient-ils, et ils attendaient…
– Je voudrais bien savoir lequel de nous arrivera le plus loin, dit le plus petit pois. Nous serons bientot fixes.
– A la grace de Dieu! dit le plus gros.
Crac! voila la cosse dechiree et tous les cinq roulerent dehors au gai soleil dans la main d'un petit garcon qui les declara bons pour son fusil de sureau, et il en mit un tout de suite dans son fusil… et tira.
– Me voila parti dans le vaste monde cria le pois. M'attrape qui pourra… Et le voila parti.
– Moi, dit le second, je vole jusqu'au soleil. Voila un pois qui me convient… et le voila parti.
– Je m'endors ou je tombe, dirent les deux suivants, mais je roulerai surement encore. Ils roulerent d'abord sur le parquet avant d'etre places dans le fusil.
– C'est nous qui irons le plus loin.
– Arrive que pourra, dit le dernier lorsqu'il fut tire dans l'espace.
Il partit jusqu'a la vieille planche au-dessous de la fenetre de la mansarde, juste dans une fente ou il y avait de la mousse et de la terre molle-la mousse se referma sur lui et il resta la cache… mais Notre-Seigneur ne l'oubliait pas.
– Arrive que pourra, repetait-il.
Dans la mansarde habitait une pauvre femme qui le jour sortait pour nettoyer des poeles et meme pour scier du bois a bruler et faire de gros ouvrages, car elle etait forte et travailleuse, mais cela ne l'enrichissait guere. Dans la chambre sa fillette restait couchee, toute mince et maigriotte, elle gardait le lit depuis un an et semblait ne pouvoir ni vivre, ni mourir.
– Elle va rejoindre sa petite soeur, disait la femme. J'avais deux filles et bien du mal a pourvoir a leurs besoins alors le Bon Dieu a partage avec moi, il en a pris une aupres de lui et maintenant je voudrais bien conserver l'autre, mais il ne veut peut-etre pas qu'elles restent separees, alors celle-ci va sans doute monter aupres de sa soeur.
Cependant la petite fille malade restait la, elle restait couchee, patiente et silencieuse tout le jour tandis que sa mere etait dehors pour gagner un peu d'argent.
Un matin de bonne heure, au printemps, au moment ou la mere allait partir a son travail, le soleil brillait gaiement a la petite fenetre et sur le parquet, la petite fille malade regardait la vitre d'en bas.
– Qu'est-ce donc que cette verdure qui pointe vers le carreau? Ca remue au vent.
La mere alla vers la fenetre et l'entrouvrit.
– Tiens, dit-elle, c'est un petit pois qui a pousse la avec ses feuilles vertes. Comment est-il arrive dans cette fente? Te voila avec un petit jardin a regarder.
Le lit de la malade fut traine plus pres de la fenetre pour qu'elle puisse voir le petit pois qui germait et la mere partit a son travail.
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