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Aventures Et Mesaventures Du Baron De Munchhausen (illustre) - Burger Gottfried August - Страница 20


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Vulcain me fit une description tres detaillee de l’Etna. Il m’expliqua comme quoi cette montagne n’etait qu’un amas de cendres sorties de la fournaise; qu’il etait souvent oblige de sevir contre ses ouvriers; qu’alors, dans sa colere, il leur jetait des charbons ardents qu’ils paraient avec une grande adresse en les laissant passer sur la terre, afin de le laisser epuiser ses munitions. «Nos dissensions, ajouta-t-il, durent quelquefois plusieurs mois, et les phenomenes qu’elles produisent a la surface de la terre sont ce que vous appelez, je crois, des eruptions. Le mont Vesuve est egalement une de mes forges: une galerie de trois cent cinquante milles de longueur m’y conduit en passant sous le lit de la mer: la aussi des dissensions semblables amenent sur la terre des accidents analogues.»

Si je me plaisais a la conversation instructive du mari, je goutais encore davantage la societe de la femme, et je n’aurais peut-etre jamais quitte ce palais souterrain, si quelques mauvaises langues n’avaient mis la puce a l’oreille au seigneur Vulcain, et n’avaient allume dans son c?ur le feu de la jalousie. Sans me prevenir le moins du monde, il me saisit un matin au collet, comme j’assistais la belle deesse a sa toilette, et m’emmena dans une chambre que je n’avais pas encore vue: la il me tint suspendu au-dessus d’une espece de puits profond, et me dit: «Ingrat mortel, retourne dans le monde d’ou tu es venu!»

Je regardai tout autour de moi, mais je ne voyais de tous cotes que de l’eau. La temperature etait tout autre que celle a laquelle je m’etais accoutume chez le seigneur Vulcain. Enfin je decouvris a quelque distance un objet qui avait l’apparence d’un enorme rocher, et qui semblait se diriger vers moi: je reconnus bientot que c’etait un glacon flottant. Apres beaucoup de recherches, je trouvai enfin un endroit ou je pus m’accrocher, et je parvins a gravir jusqu’au sommet. A mon grand desespoir, je ne decouvris aucun indice qui m’annoncat le voisinage de la terre. Enfin, avant la tombee de la nuit, j’apercus un navire qui s’avancait de mon cote. Des qu’il fut a portee de la voix, je le helai de toutes mes forces: il me repondit en hollandais. Je me jetai a la mer, et nageai jusqu’au navire ou l’on m’amena a bord. Je demandai ou nous etions. «Dans la mer du Sud», me repondit-on. Ce fait expliquait toute l’enigme. Il etait evident que j’avais traverse le centre du globe et que j’etais tombe par l’Etna dans la mer du Sud: ce qui est beaucoup plus direct que de faire le tour du monde. Personne avant moi n’avait encore tente ce passage, et si je refais jamais le voyage; je me promets bien d’en rapporter des observations du plus haut interet.

Je me fis donner quelques rafraichissements et je me couchai. Quels grossiers personnages, messieurs, que les Hollandais! Le lendemain je racontai mon aventure aux officiers aussi exactement et aussi simplement que je viens de le faire ici, et plusieurs d’entre eux, le capitaine surtout, firent mine de douter de l’authenticite de mes paroles. Cependant comme ils m’avaient donne l’hospitalite a leur bord, et que si je vivais c’etait grace a eux, il me fallut bien empocher l’humiliation sans repliquer.

Je m’enquis ensuite du but de leur voyage. Ils me repondirent qu’ils faisaient une expedition de decouverte et que si ce que je leur avais raconte etait vrai, leur but etait atteint. Nous nous trouvions precisement sur la route qu’avait suivie le capitaine Cook, et nous arrivames le lendemain a Botany Bay, lieu ou le gouvernement anglais devrait envoyer non pas ses mauvais garnements pour les punir, mais des honnetes gens pour les recompenser, tant ce pays est beau et richement dote par la nature.

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Nous ne restames que trois jours a Botany Bay. Le quatrieme jour apres notre depart il s’eleva une effroyable tempete qui dechira toutes nos voiles, rompit notre beaupre, abattit notre mat de perroquet, lequel tomba sur la cahute ou etait enfermee notre boussole et la mit en pieces. Quiconque a navigue sait quelles peuvent etre les consequences d’un pareil accident. Nous ne savions plus ou nous etions, ni ou aller. Enfin la tempete s’apaisa, et fut suivie d’une bonne brise continue. Nous naviguions depuis trois mois et nous devions avoir fait enormement de chemin, lorsque tout a coup nous remarquames un changement singulier dans tout ce qui nous entourait. Nous nous sentions tout gais et tout dispos, notre nez s’emplissait des odeurs les plus douces et les plus balsamiques; la mer elle-meme avait change de couleur: elle n’etait plus verte, mais blanche.

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Bientot apres nous apercumes la terre, et a quelque distance un port vers lequel nous nous dirigeames et que nous trouvames spacieux et profond. Au lieu d’eau, il etait rempli d’un lait exquis. Nous descendimes a terre et nous vimes que l’ile tout entiere consistait en un immense fromage. Nous ne nous en serions peut-etre pas apercus, si une circonstance particuliere ne nous avait mis sur la trace. Nous avions sur notre navire un matelot qui professait pour le fromage une antipathie naturelle. En posant le pied sur la terre, il tomba evanoui. Quand il revint a lui, il demanda qu’on retirat le fromage de dessous ses pieds; on verifia, et on reconnut qu’il avait parfaitement raison, cette ile n’etait comme je viens de vous le dire, qu’un enorme fromage. La plupart des habitants s’en nourrissaient; les parties mangees pendant le jour etaient remplacees pendant la nuit. Nous vimes dans cette ile une grande quantite de vignes chargees de grosses grappes, lesquelles, lorsqu’on les pressait, ne donnaient que du lait. Les insulaires etaient sveltes et beaux, la plupart avaient neuf pieds de haut; ils avaient trois jambes et un bras, et les adultes portaient sur le front une corne dont ils se servaient avec une adresse remarquable. Ils font des courses sur la surface du lait, et s’y promenent sans y enfoncer avec autant d’assurance que nous sur une pelouse.

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Il croissait sur cette ile, ou plutot sur ce fromage, une grande quantite de ble dont les epis, semblables a des champignons, contenaient des pains tout cuits et prets a etre manges. En traversant ce fromage nous rencontrames sept fleuves de lait et deux de vin.

Apres un voyage de seize jours, nous atteignimes le rivage oppose a celui ou nous avions aborde. Nous trouvames dans cette partie de l’ile des plaines entieres de ce fromage bleu a force de vieillesse, dont les amateurs font si grand cas. Mais, au lieu d’y rencontrer des vers, on y voyait croitre de magnifiques arbres fruitiers, tels que cerisiers, abricotiers, pechers, et vingt autres especes que nous ne connaissons point. Ces arbres, qui sont extraordinairement grands et gros, abritaient une immense quantite de nids d’oiseaux. Nous remarquames entre autres un nid d’alcyons, dont la circonference etait cinq fois grande comme la coupole de Saint-Paul a Londres; il etait artistement construit d’arbres gigantesques, et il contenait… – attendez, que je me rappelle bien le chiffre! – il contenait cinq cents ?ufs dont le plus petit etait au moins aussi gros qu’un muid. Nous ne pumes pas voir les jeunes qui etaient dedans, mais nous les entendimes siffler. Ayant ouvert a grand-peine un de ces ?ufs, nous en vimes sortir un petit oiseau sans plumes, gros environ comme vingt de nos vautours. A peine avions-nous fait eclore le jeune oiseau que le vieux alcyon se jeta sur nous, saisit notre capitaine dans une de ses serres, l’enleva a la hauteur d’une bonne lieue, le frappa violemment avec ses ailes et le laissa tomber dans la mer.

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