Les Aventures De Pinocchio - Collodi Carlo - Страница 31
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– Jamais! Pourtant, depuis ce matin, j’ai une oreille qui me fait mal.
– Moi, c’est pareil.
– Ah! Toi aussi? Et quelle oreille te fait mal, La Meche?
– Les deux, Pinocchio. Et toi?
– Les deux. Ne s’agirait-il pas de la meme maladie?
– J’ai bien peur que oui.
– Veux-tu me faire plaisir, La Meche?
– Volontiers, Pinocchio.
– Alors, fais-moi voir tes oreilles.
– Pas de probleme. Mais j’aimerais d’abord voir les tiennes, mon cher Pinocchio.
– Non, non. Toi en premier.
– Mais non, cher ami! Apres toi!
– Bon, dans ce cas, je propose un arrangement – dit la marionnette.
– Voyons l’arrangement.
– Enlevons nos bonnets en meme temps. D’accord?
– D’accord.
– Attention! Je compte jusqu’a trois. Un! Deux! Trois!
A trois, les deux garcons arracherent leurs coiffes et les jeterent en l’air.
La scene qui suivit parait incroyable. Pourtant, elle est vraie. Decouvrant qu’ils etaient l’un et l’autre atteints de la meme maladie, Pinocchio et La Meche, au lieu d’etre mortifies et de prendre un air desole, se mirent a debiter mille grosses plaisanteries a propos de leurs longues oreilles et eclaterent de rire.
Longtemps ils se tordirent de rire mais La Meche se tut tout a coup, changea de couleur, chancela et implora:
– Au secours, Pinocchio! Aide-moi!
– Qu’est-ce qui t’arrive?
– Je ne peux plus tenir sur mes jambes.
– Mais moi non plus! – cria Pinocchio titubant a son tour et fondant en larmes.
Leurs jambes plierent et ils se retrouverent par terre a marcher sur les mains et sur les genoux. Et alors qu’ils faisaient ainsi le tour de la piece, leurs bras se transformerent en pattes, leurs visages s’allongerent pour devenir museaux et leurs dos se couvrirent d’un pelage gris clair tachete de noir.
Pourtant, savez-vous quel moment fut le plus dur pour ces deux malheureux? Le moment le plus dur, le plus humiliant pour eux, ce fut quand ils sentirent leur pousser une queue. Vaincus par la honte et la douleur, ils tenterent alors, face a la cruaute de leur destin, de se plaindre et de gemir.
Ils n’y parvinrent pas. Plaintes et gemissements ne furent que des braiments d’ane. Tous deux ne purent emettre que de bruyants «Hi-han! Hi-han! Hi-han!».
Et c’est juste a ce moment-la que l’on frappa a la porte et qu’une voix ordonna:
– Ouvrez! Je suis le petit homme, le charretier qui vous a amenes ici. Ouvrez immediatement, sinon gare a vous!
Chapitre 33
Voyant que la porte restait fermee, le petit bonhomme l’ouvrit d’un grand coup de pied. Il entra dans la piece et s’adressa a Pinocchio et La Meche en arborant son habituel petit sourire:
– Bravo, les enfants! Vos braiments etaient parfaits et je vous ai tout de suite reconnus. C’est meme pour cela que je suis ici.
Les deux anons prirent un air penaud, la tete et les oreilles baissees, la queue entre les jambes.
Le charretier commenca par les flatter et les palper puis il se mit a les etriller vigoureusement.
Une fois etrilles, les bourricots brillaient comme des miroirs. Il leur passa alors un licou et les conduisit sur la place du marche avec l’espoir de les vendre et d’en tirer un bon prix.
Les acheteurs, de fait, ne se firent pas attendre.
La Meche fut acquis par un paysan qui avait perdu son ane la veille et Pinocchio achete par le directeur d’un cirque pour le dresser a sauter et a danser avec les autres animaux de sa compagnie.
Et maintenant vous avez compris, mes chers petits lecteurs, quel beau metier faisait l’homme a la charrette? Cet avorton, ce monstre a la mine si avenante sillonnait de temps en temps le pays et, chemin faisant, embobinait avec ses minauderies et ses promesses tous les enfants paresseux qui n’aimaient ni les livres ni l’ecole. Il les faisait monter dans sa carriole et les conduisait au Pays des Jouets. La, ils passaient leurs journees a s’amuser. Mais bientot ces pauvres enfants naifs, a force de jouer tout le temps et de n’etudier jamais, devenaient des anes que, tout content, le petit homme allait vendre au marche ou sur les foires. C’est ainsi qu’en peu d’annees, il accumula tant d’argent qu’il etait devenu millionnaire.
Ce qu’il advint de La Meche, je n’en sais rien. En revanche, je sais que Pinocchio dut endurer, des les premiers jours, une vie tres dure et particulierement extenuante.
Apres l’avoir conduit a l’ecurie, son nouveau maitre remplit son ratelier de paille. Pinocchio y gouta puis la recracha.
Tout en maugreant, le directeur du cirque y mit du foin, mais le foin ne plut pas non plus a Pinocchio.
– Ah bon! Le foin non plus ne te plait pas? – cria l’homme enerve – Alors, ecoute! A chaque fois qu’il te viendra la fantaisie de faire des caprices, attends-toi, mon beau, a ce que je te les ote de la cervelle!
Et pour le punir, il lui cingla les pattes avec son fouet.
Ce qui fit pleurer et braire Pinocchio qui hoqueta:
– Hi-han! Hi-han! La paille, je ne peux pas la digerer!…
– Alors, mange le foin! – repliqua son maitre qui comprenait tres bien la langue des anes.
– Hi-han! Hi-han! Le foin me donne des maux d’estomac!…
– Tu pretends donc qu’a un baudet comme toi je devrais donner du blanc de poulet et du chapon en gelee? – ajouta l’homme de plus en plus en colere et le fouettant de nouveau.
Cette fois Pinocchio, devenu prudent, prefera se taire.
La porte de l’ecurie refermee, Pinocchio resta seul et, comme il n’avait pas mange depuis longtemps, il se mit a bailler. En baillant, il ouvrait une bouche grande comme un four.
Finalement, ne trouvant rien d’autre dans sa mangeoire, il se resigna a mastiquer un peu de foin. Puis, apres l’avoir bien malaxe, il ferma les yeux et l’avala.
– Ce foin n’est pas vraiment mauvais – se dit-il – mais j’aurais quand meme mieux fait de continuer a etudier. A cette heure-ci, au lieu de foin, j’aurais pu manger un morceau de pain frais avec une bonne tranche de salami! Dommage!
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