Les Aventures De Pinocchio - Collodi Carlo - Страница 24
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Ils etaient sur le point d’entrer dans le village quand une bourrasque de vent arracha le bonnet de Pinocchio qui alla valser une dizaine de pas plus loin. Alors, s’adressant aux gendarmes:
– Puis-je aller chercher mon bonnet?
– D’accord. Mais faisons vite.
Pinocchio alla donc ramasser le bonnet mais, au lieu de le remettre sur sa tete, il le fourra entre ses dents et se mit a courir a toute allure vers la plage. Il filait comme une balle de fusil.
Les gendarmes, comprenant qu’il leur serait difficile de le rattraper, lacherent un enorme dogue qui gagnait habituellement toutes les courses de chiens. Pinocchio courait tres vite, le chien aussi. Les villageois se presserent a leurs fenetres et dans la rue, curieux de connaitre l’epilogue de cette feroce competition.
Ils durent rester sur leur faim: Pinocchio et le dogue soulevaient une telle poussiere qu’en peu de temps il ne fut plus possible de rien voir.
Chapitre 28
Lors de cette course desesperee arriva un moment terrible ou la marionnette se crut perdue. En effet, Alidor – c’etait le nom du chien – courait si vite qu’il avait presque rattrape Pinocchio. A tel point que celui-ci pouvait entendre, juste derriere lui, la respiration haletante de la sale bete et sentir la chaleur de son haleine.
Heureusement, la plage etait toute proche car on pouvait deja voir la mer.
Arrive sur le sable du rivage, Pinocchio sauta comme une grenouille et plongea dans les flots. Son poursuivant, au contraire, voulut s’arreter mais, emporte par sa course infernale, il se retrouva a l’eau lui aussi. Ne sachant pas nager, le dogue se mit a agiter convulsivement ses pattes pour se maintenir a la surface. Or, plus il remuait ses pattes, plus il coulait.
Hagard, ses yeux exprimant la terreur, le pauvre chien aboyait et suppliait:
– Au secours! Je me noie! Je me noie!
– Va te faire… – repliquait la marionnette qui se tenait a distance, loin de tout danger.
– Aide-moi, Pinocchio, mon ami! Sauve-moi de la mort!
Pinocchio, qui avait le c?ur sur la main, finit par etre emu par ces cris dechirants. Alors, s’adressant au dogue:
– Si je t’aide a te tirer de ce mauvais pas, tu me promets de me laisser tranquille?
– Je te le jure! Je te le jure! Depeche-toi, par pitie! Si tu hesites une minute de plus, je suis mort.
C’est vrai qu’il hesitait, Pinocchio. Mais il se rappela ce que son papa lui avait dit tant de fois, a savoir qu’un bienfait n’est jamais perdu. Il nagea donc jusqu’a Alidor, le saisit par la queue et le tira jusque sur le sable sec du rivage.
Le chien ne tenait plus sur ses pattes. Il avait bu tellement d’eau salee qu’il etait gonfle comme un ballon. Pour autant Pinocchio ne s’y fiait pas trop et il estima plus prudent de retourner dans la mer. En s’eloignant du bord, il lanca a son poursuivant devenu son oblige:
– Adieu Alidor, bon voyage et bonjour chez toi
– Adieu, Pinocchio. – repondit le dogue – Merci mille fois de m’avoir sauve la vie. Tu m’as rendu un fier service et, en ce monde, un bienfait n’est jamais perdu. Si l’occasion se presente, on en reparlera.
Pinocchio continua a nager en restant pres du bord et il arriva dans une zone ou il lui sembla etre en securite. La il vit, creusee dans les rochers qui surplombaient la cote, une espece de grotte d’ou sortait un long panache de fumee.
– Dans cette grotte – se dit-il – il doit y avoir du feu. Tant mieux! Ainsi je pourrai me secher et me rechauffer. Et apres? Apres, on verra bien…
Sa resolution prise, il se rapprocha des rochers, mais au moment ou il etait sur le point de se hisser hors de l’eau, il sentit quelque chose qui le soulevait et le tirait a l’air libre. Il tenta de fuir. Trop tard: a sa grande surprise, il realisa qu’il etait pris dans un grand filet au milieu d’une multitude de poissons de toutes formes et de toutes tailles, qui se debattaient et remuaient leurs nageoires caudales avec la rage du desespoir.
En meme temps, il vit sortir de la grotte un pecheur tres laid, si laid qu’il ressemblait a un monstre marin. Au lieu de cheveux, il avait sur la tete un buisson touffu d’algues vertes, verte egalement etait la couleur de sa peau, verts etaient ses yeux et meme sa longue barbe, qui descendait jusqu’a ses pieds, etait verte. On aurait dit un enorme lezard vert debout sur ses pattes de derriere.
Quand le pecheur eut acheve d’amener le filet, il s’exclama tout content:
– Benie soit la Providence! Je vais faire bombance de poissons encore aujourd’hui.
– Heureusement que je ne suis pas un poisson! – se dit Pinocchio qui reprenait courage.
L’homme traina le filet plein de poissons jusque dans la grotte, une grotte sombre et enfumee au centre de laquelle tronait une grande poele dans laquelle fremissait de l’huile qui degageait une odeur insoutenable de bougie fondue.
– Maintenant, voyons ce que nous avons pris – dit le pecheur vert de la tete aux pieds.
Plongeant dans le filet une main grande comme une pelle de boulanger, il en sortit une poignee de rougets.
– Bien, tres bien ces rougets! – estima-t-il en les regardant et en les flairant, la mine satisfaite.
Les ayant bien flaires, il les jeta dans une cuvette vide.
Il repeta plusieurs fois la meme operation. Au fur et a mesure qu’il sortait les poissons, son appetit grandissait et il jubilait:
– Parfaits ces merlans!…
– Exquis ces mulets!…
– Delicieuses ces soles!…
– Impeccables ces vives!…
– Et ces anchois frais! Magnifiques!
Evidemment, merlans, mulets, soles, vives et anchois allerent tous rejoindre pele-mele les rougets dans la cuvette.
Il ne restait plus que Pinocchio.
Des que le pecheur l’eut sorti du filet, il ecarquilla ses grands yeux verts et grommela, inquiet:
– Quel sorte de poisson est-ce donc? Des poissons comme celui-la, je n’en ai jamais mange!
Il le regarda longuement sous tous les angles et conclut:
– J’ai compris: ce doit etre une sorte de crabe.
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